Détrompez-vous, Blundetto n’est pas que le personnage de la série américaine Les Soprano. Il s’agit aussi de Max Guiguet, traqueur de tubes depuis des lustres pour la programmation de Radio Nova, sauvegardant avec brio l’exigence et l’avant-gardisme de l’éternel Jean-François Bizot. Mais si beaucoup l’ont certainement déjà entendu sur les ondes, à l’occasion des délectables après-midis musicaux du “Grand Mix” notamment, peu connaissent les talents de producteur de ce natif de Dijon, batteur à la première heure, et fervent adepte des fosses enfumées des concerts de NTM ou des Beastie Boys dans les nineties. Et quand Max Guiguet devient le producteur Blundetto, autant dire que cette riche expérience dans le milieu musical se révèle au grand jour avec une fraicheur éclatante. Pourtant, le bonhomme est loin d’en être à ses premières compositions. Tout juste arrivé de sa province dans la capitale, il est contraint de troquer sa batterie contre une MPC 2000 et devient très vite un agile bidouilleur de samples. Il forme alors, avec son pote Gilles, le groupe d’électro libre Vista Le Vie qui sortira trois albums aux sonorités influencées par Laurent Garnier et DJ Gilb-R. Pendant ce temps, Max continue toujours à faire vivre Blundetto en composant seul au gré de son inspiration. Ce premier album, “Bad Bad Things”, est ainsi le résultat de ces pulsions artistiques trop longtemps restées dans l’ombre. Une douzaine de titres au final qui transpirent un savant mix de reggae-dub authentique, de jazz élégant, de sonorités afro-américaines entêtantes et de bien d’autres choses encore… Blundetto irrigue ses compositions de ses découvertes sonores et de ses coups de cœur, n’hésitant pas à inviter de grands talents rencontrés chez Nova pour enrichir son travail. On retrouve ainsi le génie des claviers General Elektriks sur trois titres - parmi lesquels le sublime “Sunset Stroll” et sa ligne de gratte délicate - le “truthspeaker” Lateef de Blackalicious sur un dubisant “My One Girl”, ou encore la chanteuse berbère Hindi Zahra - récemment signée sur Blue Note - sur un “White Birds” à la langueur jazzy, comme sur le divin “Voices”, addictif à souhait. Mais ce premier opus flirte aussi avec la chaleur de la musique cubaine sur le latin “Mi Condena” featuring Chico Mann, renoue avec le rock sur un expérimental “Ken Park” né d’une fructueuse collaboration avec le skateur musicien Tommy Guerrero, et rend honneur à la culture des Brass Bands le temps de deux excellents morceaux enregistrés avec The Budos Band, à l’instar d’un “Mustang” aux couleurs de la Nouvelle-Orléans. Blundetto réinvente ainsi le reggae en l’étoffant de multiples influences pour le magnifier et ne garder que le meilleur: des basses puissantes, des rythmes downtempo méditatifs, des skanks spontanés et des cuivres brûlants. Si bien que “Bad Bad Things” renferme un concentré de tubes passionnants dont on se délecte à chaque écoute, mêlant avec précision toute la richesse des sonorités de Radio Nova, qu’elles soient oldies ou contemporaines, au talent intuitif et visionnaire de Max Guiguet. Un coup de maître.(mowno)