On ne peut pas chanter des chansons sur des sujets comme ça , se moque le formidable For Milton Mapes. Et c'est là le drame joyeux, la grande force absurde de Steven Adams, parolier siphonné du Broken Family Band, dont on chroniquait il y a quelques semaines à peine l'attachant album solo paru sous le nom The Singing Adams. Les sujets en question, ce sont les kids londoniens qui écoutent de l'indie-rock, Jésus ou le dés'uvrement défoncé de Cambridge la petite vie anglaise, telle que chantée depuis quarante ans par les meilleurs journalistes de terrain de la musique locale, des Kinks à The Streets, sur des musiques généralement autarciques. Le souci, c'est qu'ici on joue comme si on était à la fête de la couille de taureau, à Wichita Falls, Texas : un rock à biscoteaux tatoués chez les marines ou une country sans la moindre inhibition, mélancolique parce que Miss Rodéo s'est barrée sur le John Deere de Big Al (même une reprise de Leo Cohen fond dans ce moule). Et c'est ce décalage saugrenu entre ce qu'observent les yeux et ce dont rêve le cerveau qui rend si attachantes ces chansons déracinées et larguées, au deuxième degré sans doute malgré elles. (Inrocks)


Balls démarre sur les chapeaux de roue pour mieux finir en trombe. En ouverture, une batterie épileptique alignant les changements de rythmes comme l'ivrogne les levées de coude, des guitares hargneuses dont les accords semblent grattés à la hache, et un crescendo jouissif font de You're Like A Woman une chanson dont l'intensité n'a d'égale que la vitesse d'exécution, telle une balle expulsée d'un barillet. En guise d'épilogue, le groupe prouve bien qu'il en a en reprenant Diamonds In The Mine de Leonard Cohen, une hillbilly song allumée, énergique et énergisante. Mais ne croyez pas qu'entre ces deux climax, The Broken Family Band se contente de l'ordinaire. Alternant country abrasive (le final martelé de The Booze And The Drugs), folk rock implacable (l'inquiétant et trépidant I'm Thirsty), et ballades ombrageuses (l'émouvante confession Trouble), le quartette ne délaisse jamais cette tension inspirée qui tient en haleine l'auditeur de la première à la dernière seconde. Le pompon revenant dans ce domaine à la lancinante western song Alone In The Make-Out Room, où la délicieuse voix de l'invité Piney Gir répond à celle du chanteur Steven Adams sur fond de crécelles et guitares slide abondantes. On plonge alors en plein Far West, dans un saloon où l'on imagine très bien se trémousser la frétillante danseuse très légèrement vêtue illustrant la pochette du disque. Et si on s'étonne d'apprendre que cette musique provient d'Angleterre (John Peel était leur plus grand fan), on reste persuadé que ce groupe à la classe évidente, qui a déjà publié deux albums et plusieurs Ep's, rejoindra ses nombreux homologues américains dans les bas-fonds d'un underground aussi rassurant qu'étouffant, et duquel il semble bien difficile de s'extraire. (Magic)
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le 19 mars 2022

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