Ferme les yeux si ce n’est pas déjà fait

Je me rappellerai toujours de la première fois où j'ai écouté Barrow des Cemeteries. Un samedi soir. J'étais dans un état d'esprit assez négatif : un signe d'affection en votre égard chasserait probablement cette sensation mais vous n'en voulez pas. Vous vous tenez à cet état car vous êtes tristement bien comme ça, c'est votre moment en quelque sorte.
C'est donc d'humeur maussade que j'ai commencé à écouter Barrow. Je n'étais pas prête et ce fut un de mes plus beaux coup de cœur depuis belle lurette.

Le bruit des vagues déroule paresseusement sur le sable. L'instrumental commence calmement, de plus en plus fort, annonçant quelque chose de terrible.
Une voix s'élève. Cette voix claire qui, pendant tout l'album, va se laisser bercer par des mélodies magnifiquement douces et criantes de mélancolie. Kyle J. Reigle chantonne voir chuchote parfois, comme s'il nous confiait dans l'oreille un secret long de près d'une heure, rythmé de péripéties.
Il est probablement plongé dans l'ombre où seul le miroitement de l'eau se reflète dans ses yeux à demi-fermés. Lui aussi c'est son moment. Il se laisse emporter au fond de cet océan où ni tristesse ni joie ne dominent vraiment l'atmosphère…
C'est cela qui est troublant : Barrow nous touche en plein cœur mais on n'arrive pas vraiment à comprendre comment et pourquoi on en ressort si bizarre. On a tout arrêté pour retrouver le chanteur au fond de l'eau, naviguant le cœur ouvert parmi nos sentiments les plus enfouis et inavoués, bouillonnant de tendresse ... Il n'y a pas vraiment de tonalité dominante à ces sentiments, on se sent juste en état de pleine conscience de notre existence tant ce que l'on vient d'écouter nous élève en tant que personne. Comme touché par la grâce.

D'immergée je me suis retrouvée en apesanteur, perdue dans un ciel lunaire se reflétant sur l'océan, me réveillant à peine à l'écoute du bruit des vagues qui déroulent toujours sur le sable à la toute fin de Barrow.