Je ne vais pas revenir sur le génie marketing, si simple et pourtant si puissant qui a entouré la sortie de l'album. Ce qui me stupéfait le plus ce n'est pas que Beyonce ait réussi le plus beau coup marketing musical de ces dernières années, c'est que Beyonce ait livré un de mes albums phares de ces dernières années. Je l'ai déjà dit avant, j'ai toujours apprécié la performeuse, l'ambitieuse, beaucoup plus rarement l'artiste elle-même. Seul 4 était vraiment parvenu à obtenir mes faveurs, justement parce qu'il sortait des sentiers battus de Sasha et malgré toute l'affection que je porte à B'Day c'était la première fois qu'elle me prouvait qu'elle pouvait faire de bons albums. C'était il y a moins de deux ans mais j'étais tellement sur qu'en l'absence de succès singles elle lancerait un projet très commercial, calibré et pop...
Je n'aurais jamais parié sur Beyonce pour bousculer l'ordre commercial établi et encore moins pour le faire avec un album pareil. Je l'ai toujours considéré trop consensuelle dans son discours, policée dans sa musique d'où ma difficulté de rentrer dans un répertoire un peu vide. Je me demande encore comment j'ai pu passer à côté de son potentiel, si c'est de ma faute ou de la sienne. Les quelques commentaires de fans regrettant l'absence de tubes, d'uptempos, de danse me rassurent mais quand même. A l'heure où Britney Spears prétend avoir fait son album le plus personnel avec la dance de Will.I.Am, prendre par surprise un album aussi intime et libéré dune des plus grandes stars de la planète laisse rêveur.
Parce que le travail est là, la vision de Beyonce est implacable. On prend tout dans la tronche, après le retour de l'excitation à la découverte d'un album inédit, l'excitation de découvrir l'artiste aussi, avec un concept visuel qui ne se contente pas d'être inédit dans sa forme mais aussi dans son contenu. Musicalement c'est l'album le plus excitant que j'ai pris la peine d'écouter cette année, par son ambition, son audace et sa pleine réussite. Chaque écoute ajoute une dimension à chaque chanson et au projet tout entier, et la maîtrise de la direction musicale et visuelle donne le vertige. Les images se succèdent, les paroles fouettent et caressent, les influences s'entrechoquent, ça pourrait être un chaos total mais l'alchimie est là : on ressent la ligne directrice, l'envie, le coeur du projet. J'ai le sentiment de découvrir complètement Beyonce grâce à son investissement, le personnel étant brillamment au service de l'artistique. Pour tout vous dire la dernière fois que j'ai ressenti un truc pareil, c'était avec The Velvet Rope. J'ai même pensé à ce que Madonna disait de Michael Jackson lors de son hommage aux VMA. C'est un album complètement libérateur qui ne se contente pas de se regarder le nombril mais qui transmet son énergie, sa liberté, ses convictions.
Je n'aurais certainement pas parié non plus sur Beyonce pour se positionner si clairement sur le féminisme. Proclamer le girl power sur Run The World est une chose, mais en plaçant le discours "We should all be feminists" de Chimamanda Ngozi Adichie sur une chanson comme Flawless on est déjà à un tout autre niveau d'engagement. Le féminisme de Beyonce n'est certes pas très académique puisqu'elle revendique le droit d'être légal de son homme tout en prenant un plaisir non dissimulé à être son objet sexuel si ça lui fait envie mais il faut comprendre que le féminisme na rien de vraiment mainstream aux USA. Toutes ses collègues féminines ont été interrogées sur le sujet, de Lady Gaga à Björk en passant par Katy Perry et toutes ont fermement nié l'être, de peur sans doute de s'aliéner une partie de leur auditoire. Le féminisme de Beyonce n'est pas très cathodique, mais il a eu au moins le mérité de replacer le sujet au cœur de l'actualité.
Bref, je ne suis pas devenu fan mais pour une surprise, ce fut une sacrée surprise.
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