Cette pulsation haletante et jubilatoire lui vient des prêcheurs baptistes de son enfance. Cette ironie incantatoire, il l'a apprise dans les calypsos de son Trinidad natal. Spoken word, disent les anglophones pour caractériser cette poésie entre chant et parole, ici servie sur des guitares au rock chaloupé. Par instants, le jazz charnu d'un saxophone ténor vient s'insinuer dans ces mosaïques rassembleuses de toutes les diasporas noires. Le tempo matois mais sûr de lui tisse le liant, progressant lentement vers des paroxysmes dont les lointaines racines sont à rechercher dans les rituels de transe.Quelque part entre psalmodie religieuse et free jazz, sur de vibrantes intonations soul haut perchées, Anthony Joseph brouille les repères, jouant avant tout du souffle primal, comme une quête d'air pur qui avance portée par l'ivresse des cimes. Et nous marchons avec lui, même quand il crie, même quand il s'époumone au bord du spasme. On pense à quelques pionniers américains des rimes déclamées en ping-pong comme les Last Poets ou Gil Scott-Heron. Et aussi à un autre Caribéen (Jamaïque) de Grande-Bretagne, Linton Kwesi Johnson. Mais alors que LKJ est la voix politique des immigrés deuxième génération, Anthony Joseph, plus littéraire, plus introspectif, revisite les souvenirs des vingt premières années passées à Trinidad, avant l'exil londonien, en 1989. D'ailleurs, il a écrit plusieurs recueils de poèmes et même un roman de science-fiction (sur « les origines africaines des ovnis »).Dans ce deuxième album viennent l'épauler Keziah Jones, le vibraphoniste David Neerman et le tromboniste Joe Bowie (Defunkt). De Blues for Cousin Alvin en Bamboo Saxophone, nous voilà conviés à une évocation de Bird Head Son (« Fils de tête d'oiseau ») : son surnom d'enfant, car son père avait une allure de piaf, une toute petite caboche sur un corps volumineux !

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le 26 févr. 2022

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