Il fallait posséder une bonne longue-vue pour repérer il y a deux ans ce drôle d'équipage, égaré à l'extrême limite des eaux territoriales pop. Dans leurs deux premiers maxis, les cinq Londoniens de Flotation Toy Warning ressemblaient alors à une bande d'Américains à la dérive, qui auraient eu l'imprudence de prolonger la route ouverte par Mercury Rev ou Grandaddy. Sauf qu'il y avait quelque chose de vraiment anglais dans leurs musiques chavirées, oscillant entre normalité et excentricité. Car le groupe s'inscrit dans une vieille tradition insulaire : celle qui, de Kevin Ayers à The Coral en passant par le Procol Harum de A Salty Dog, s'échine à dépeindre l'Angleterre comme un vaste empire chimérique et les Anglais comme un peuple rêveur, conquérant et lyrique. Pour décrire Bluffer s Guide to the Flight Deck, le mieux est encore de parler du temps. Du temps qu'il fait, d'abord, dans ces chansons sous influence océanique, enrobées par la brume des claviers et des samples, le souffle des cuivres, les nuées de cordes que viennent parfois trouer des chœurs tombés du ciel. Du temps qui passe, ensuite, et que ces gens-là savent prendre, comme pour sculpter dans sa matière même la trame élastique de leurs mélodies. Du temps révolu, enfin, que cette musique à la fois moderne et nostalgique, comme conjuguée au futur antérieur, semble vouloir retrouver : le temps des découvreurs, des inventeurs et des poètes qui, jadis, firent les belles heures de l'Angleterre victorienne. Disque étrange, suspendu entre songe et réalité, entre hier et demain, Bluffer s Guide fait au final un bien bel ofni : un objet flottant non identifié. (Inrocks)
Après deux Ep's jamais distribués ici, cet album d'un quintette londonien au nom fort sibyllin devrait en régaler plus d'un. Les premiers servis seront les goûteurs de pop remue-méninges, liquide, latérale, imbibée de folie douce et point trop empesée d'électronique, très précisément le cas de la musique de Flotation Toy Warning, menée de voix de maître par un dénommé Paul Carter. Il est le propriétaire d'un organe au timbre indélébile, qui marque et oscille entre l'angélisme de Rufus Wainwright et le vibrato d'Ollie Knights (Turin Brakes). Ses envolées sont de celles qui fichent la chair de poule et des frissons le long de la colonne vertébrale. Les seconds seront les anglophiles qui ne manqueront pas de fondre de bonheur, tant Bluffer's Guide To The Flight Deckabonde de cette culture de l'excentricité si britannique, et de balises sonores touchantes, telle la résonance évocatrice des arrangements "Brass Band", qui invoquent l'esprit d'humanité et de camaraderie régnant sur les cités minières et ouvrières de l'Angleterre industrieuse du siècle dernier. Flotation Toy Warning se livre à un spectaculaire traitement baroque de la matière sonore, où les chorales sont sous influence, les cordes se shootent à l'absinthe et où les anges, planqués derrière un cumulo-nimbus, se mijotent une infusion. Même les chants d'oiseaux sont louches ! En dix pièces d'égale durée, le Guide Futé Du Cockpit a de quoi renvoyer les Mercury Lips et les Flaming Rev de ce monde à leurs chères études. Illustrant à merveille ce que nous disait Oscar Wilde au siècle dernier, "le monde est fait par le chanteur pour les rêveurs"... Sachez toutefois que même si les musiciens de Flotating Toy Warning ont l'humour à fleur de notes, il convient de ne pas les secouer trop fort car ils sont aussi plein de larmes. (Magic)
A propos des premiers EP des anglais de Flotation Toy Warning, j'avais écrit que ce groupe avez inventé une sorte de "pop rétro-futuriste". Force est de constater qu'aujourd'hui je suis un peu obligé de me paraphraser pour décrire l'univers de leur premier album. Flotation Toy Warning n'a pas changé depuis notre dernière rencontre et semble toujours composer les livres de Jules Verne à la main, les yeux rivés sur les films de science-fiction des années 50, la tête chargée de récits d'exploration ou d'inventeurs loufoques. Flotation Toy Warning a donc les pieds dans l'indie-pop et la tête dans les étoiles. Le résultat est détonant. Sur des plages flirtant aisément avec les 7 minutes, on jurerait que le groupe s'amuse à se mettre dans la peau de l'orchestre qui animerait les repas du Nautilus. Rétro-futuriste donc.
Le groupe peut aussi évoquer cette folie douce très sixties qui traversait les albums de Soft Machine, de Kevin Ayers, de Pink Floyd ou dans une autre mesure les petites plages expérimentales qui agrémentent "Odessey and Oracles" des Zombies ou le Double Blanc des Beatles. Et pourquoi pas la musique répétitive, Tangerine Dream notamment. Flotation Toy Warning ressemble un peu à tout ça et ne ressemble pas exactement à tout ça.Fanfare, orchestre à cordes, claviers défraîchis, chanteurs d'opéra se mêlent aux samples, guitares et à une fragile voix masculine. Les sons étranges proviennent de partout, arrivent à nos oreilles comme filtrés par les profondeurs aquatiques et la paroi du sous-marin, tout en échos et reverb. Le seul morceau connu qui pourrait se rapprocher des chansons de Flotation Toy Warning serait peut-être "He's simple, he's dumb, he's the pilot" qui ouvrait "The Sophtware Slump" de Grandaddy. Même rythme épuisé, même télescopage de clavecins et de machines, même dilatation du temps au service d'un univers épique et dépressif à la fois. Le talent de Flotation Toy Warning ne réside pas seulement dans une production et une instrumentation incongrues mais aussi dans un talent mélodique délié et délicat, qui rend cet album particulièrement accessible. " Bluffer's Guide..." est un quasi-sans-faute même si on peut lui reprocher une certaine répétition dans les humeurs musicales et les climats qu'il propose. Mais ce serait vraiment rechigner, tant le champ des possibles qu'offre cet album est large, tant il donne envie d'innover.
"Le Monde Perdu" sera désormais baptisé Flotation Toy Warning.(Popnews)