Fastueux et murmuré, du folk canadien qui vous veut du bien.
Le premier titre s'appelle Song for the Angels et, pour parler aux anges, Tony Dekker a choisi le murmure. Mais aussi le tutoiement, tant ses chansons feutrées, berceuses pour banjo, violon et guitares sans âge, semblent chez elles sur les nuages, en apesanteur, aussi exaltées que retenues. Le plus impressionnant, dans ces onze chansons, reste leur paix rayonnante, leur lumière aussi pâle que vraiment apaisante : comme si Neil Young, R.E.M. et Sparklehorse s'était unis pour une veillée jamais funèbre, à la nostalgie joyeuse. Car si ce second album des Canadiens a été enregistré dans une église, dont on perçoit les silences, jamais ce folk n'empeste l'orthodoxie des grenouilles de bénitier du genre, le vœu de pauvreté. Il faut ainsi entendre la chorale timide et vibrante de Falling into the Sky, le majestueux Imaginery Bars, le luxe ensorcelant de Let's Trade Skins : même d'une noirceur parfois contagieuse (black est Dekker), jamais ces chansons n'acceptent, comme chez Smog ou Will Oldham, de rendre les instruments au cafard, de noyer les mélodies dans le jus de boudin. Raffinées et tendrement endimanchées, ces chansons susurrées, mais à la musicalité militante, ignorent ainsi tout de la rude bure folk, n'habillant leur spleen que de soie et de taffetas. Dans les grands lacs, des nageurs aussi aériens ne peuvent connaître qu'un style : le papillon. (Inrocks)


On imaginait mal quelle suite Tony Dekker pouvait bien donner au premier album des Great Lake Swimmers, manifeste accompli de folk pastoral enregistré dans un silo à grain désaffecté, en prise directe avec la nature. N'y allons pas par quatre chemins : Bodies And Minds est un disque stupéfiant, aussi beau que le Dead Man de Jim Jarmush, ballade crépusculaire en noir et blanc dans les forêts désolées d'un continent mythique, sur laquelle plane l'ombre de Neil Young. Épaulé par un vrai groupe, Dekker offre à sa musique profondément émouvante une ampleur et une chaleur inédites. Appuyée par des choeurs, un banjo, un lap steel et un orgue Wurlitzer, son écriture magistrale croise le folk le plus pur avec les atours mélodiques d'une pop lumineuse. Parmi les ballades déchirantes, on trouve ainsi des chansons plus enlevées à la séduction immédiate : Bodies And Minds déroule un refrain hypnotique sur un tapis de guitares, la mélodie de Various Stages est d'une limpidité extraordinaire, magnifiée par une orchestration dense qui lie harmonica, banjo et guitares. Avec violoncelle, orgue et handclaps, When It Flows pourrait être le morceau oublié par R.E.M. pendant les sessions d'Automatic For The People. C'est bien à cette altitude qu'évolue Bodies And Minds, classique en devenir. Tony Dekker partage avec les Athéniens une écriture d'une poésie infinie. Enregistré en pleine campagne au sud de l'Ontario, l'album restitue la force des grands lacs et des forêts, celle-là même qui commande l'humilité et le retour à soi. "I know that I'm just a drop of the water frozin' into ice, on the stormy earth that gave us birth", chante Dekker d'une voix à la douceur extrême, hantée par la mélancolie. Impossible de rester de glace devant tant de grâce.(Magic)
C'était il y a à peu près un an. Du Canada, un très discret songwriter, savamment dissimulé derrière un pseudonyme collectif, nous faisait part de son premier disque : un chef d'œuvre de folk déprimé, d'une beauté mélancolique glacée, où, derrière l'épure instaurée comme une règle, pointaient quelques merveilles mélodiques d’une rare émotion. Great Lake Swimmers était une apparition remarquée (ou pour le moins très remarquable) en cette année 2004, pourtant riche en jeunes gens férus de folk et en Canadiens talentueux (et parfois même les deux en même temps).Depuis un an, Tony Dekker, le songwriter en question, a beaucoup tourné, vendu quelques disques (sans doute en quantité très raisonnable, mais certainement beaucoup plus qu'il n'aurait jamais imaginé), et a toujours été accueilli par une presse élogieuse et un public charmé. On comprend donc que son deuxième album, sans être évidemment enjoué, soit moins systématiquement dépressif que ne l'était le premier. Garçon de nature très introvertie, Tony Dekker s'est ouvert doucement sur ce disque à une musique plus épanouie, à plus de fantaisies (qui, à l'image de leur auteur, sont cependant très discrètes)... Si les morceaux du premier album étaient ancrés dans un schéma très strict guitare/voix, résolument folk, certains titres de "Bodies and Minds", dont la chanson éponyme, lorgnent parfois vers une muisque plus pop, plus aérée, plus légère, moins solennelle. Certes, la voix, céleste, du chanteur n'a rien perdu de sa force émotionnelle et maintient un degré de gravité constant sur l'ensemble du disque, mais les compositions elles-mêmes peuvent avoir, sur "Falling Into the Sky", marquée par des chœurs apaisés, ou "Long Into The Evening" par exemple un ton inattendu, moins triste tout simplement que ce à quoi on pouvait s'attendre. Certains, de ce fait, reprocheront peut-être à "Bodies and Minds" d'être moins radical que son prédécesseur. Mais ce parti pris permet plus de variété, donne plus de champ au songwriting hors pair de Tony Dekker. Il fait d'ailleurs mouche à plusieurs reprises, sur "To Leave it Behind" notamment, magnifique ballade dont les sept ingrédients magiques sont une voix tombée du ciel et six cordes de guitare. Le talent de notre jeune Canadien se montre en effet d’autant plus indéniable que la formule est simple. Au jeu de l’épure acoustique, Tony Dekker peut difficilement rendre son art perfectible, et l’adresse aux anges en ouverture de disque jette sur l’ensemble de celui-ci un voile de pureté gracieuse, proche du mysticisme, jamais remis en cause. Définitivement, l'un des auteurs les plus poignants de la scène folk actuelle, sans doute même plus que cela.(Popnews)
Ce disque est déjà un vieux pote. Le genre de type fidèle, un peu effacé, aussi discret que humble, mais que l’on retrouve régulièrement avec le même plaisir pour bavarder paisiblement. Il ne va pas nous sortir de grandes vérités, ni parler avec exaltations et emportement mais discuter calmement et nous émouvoir pour sa justesse et la douceur de sa voix. Great Lake Swimmers est cet ami. Il passe nous voir pour la deuxième fois depuis notre première rencontre. Avec le même plaisir. La folk music ne souffre pas du temps ou des effets de modes. Tout tient dans la sincérité de son compositeur et, donc, dans la qualité des compositions. Great Lake Swimmers, forcement hébergé sur le label Fargo, possède une écriture tout en caresse, fluide et mélancolique. La voix possède un timbre apaisé et délié parfaitement captivant. L’instrumentation rappelle le « Harvest Moon » du Neil Young des années 90, à la fois riche et subtile, composée de toute la panoplie caractéristique de cette musique très ancrée dans l’Amérique rurale : violon, pedal steel, banjo et, évidemment, une ample guitare acoustique mais pour un résultat sans emphase excessive. Le disque culmine avec un vrai moment de grâce fragile, le magnifique I saw you in the wild.« Bodies and Minds » fait suite, en un sens, au « Winged Life » de Shearwater paru l’année dernière. Même coté aérien, même notion de l’espace. Cette Amérique là est sublime. (indiepoprock)
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le 28 févr. 2022

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