Quel fou malade ce Tom Waits.
5 ans d'absence et le gars revient comme ça et t'envoie son album le plus hard, un changement drastique dans sa carrière déjà bien chamboulée depuis 10 ans. Le type hurle sur un on ne sait quoi d'instruments, sorte de masse sonore sombre, puis enchaîne sur un de ces airs d'une beauté simple dont lui seul a le secret.
Quelques sucreries par-ci par là, un blues plaintif "Jesus gonna be here" ou un très rageur hymne "I don't wanna grow up".
De la pure folie, il te fout même un peu de country dans le lot. Il est partout, il fait tout, plus aucunes limites. Il est génial.
Le truc avec Tom, c'est qu'il t'emmène où il veut.
Tu lui donnes la main volontiers dès lors que ses habituels marimbas et autres percussions entrent en scène, que tu entends le vrombissement caverneux de son timbre. Tu te retrouves encerclé par lui et sa fanfare, lui en grand gourou, le type avec les cornes qui grommelle. Tu bois ses mots et tu te laisses porter par le groove de ses musiciens. Puis, le gars Waits te fait redescendre et te dépose sur un canapé, un nuage, enfin quelque chose de confortable mais malgré tout où tu ne t'endors pas. Un canapé de cuir tiens, très bien. Tu entends un duo voix-piano comme tu en as l'habitude avec le copain Tommy (ouais je l'appelle Tommy, on est devenu proche, il m'en a fait voir!), tu ne peux rien faire. Il a le talent de savoir façonner au moins 3 nouveaux "contenders" au titre de "plus belle chanson de la vie de la mort et la saint glinglin" par album.
L'ami Toto (oui j'ai pris la confiance, je devrais pas, il a du caractère le bougre) peu importe le disque, il te trompe. Tu te dis "ouais bon, il va nous refaire le coup du chanteur triste alcoolique timbré avec ses instruments chelous exotiques et son piano de pub. 'M'aura pas cette fois le Tom Waits, m'aura pas!"
Et à chaque fois il te refait bien le coup, et il s'en fout. Car c'est ce qu'il est, il a la maîtrise comme un patron. C'est affiné, c'est puissant, c'est rare. Et merde, tu kiffes et tu peux rien dire. Parce c'est à chaque fois bon, voir très bon, il a la recette. C'est Maïté, il t'explique, te montre ses ingrédients (il fracasse pas d'anguilles lui, plutôt des casseroles, c'est son kiff ).
Bref, Bone Machine est un tournant magnifique et dissonant. Qualité d'écriture et qualité musicale. Un mix de tout l'univers de TW et de ses 3 voix de l'Apocalypse. L'éternel poète maudit, le joueur de flûte qui guide ses fidèles à travers les méandres de son art.
Le truc avec Tom Waits, c'est qu'il t'emmène où il veut.