Kurt Vile s'assagit
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le 1 nov. 2018
Tous les passionnés de musique que nous sommes ont été confrontés à la sempiternelle question : « Et alors, t’écoutes quoi comme musique ? ». Si la plupart des réponses qu’il m’a été donné d’entendre se contentaient d’un vague « Boh, un peu de tout » standardisé, certains audacieux préféraient jouer la carte de la spécificité.
Cette technique est aussi périlleuse qu’ingrate : selon que vous soyez trop ou pas assez précis, vous serez inévitablement accusé respectivement de branlette intellectuelle ou de vanité verbale. En effet, tenter de décrire le rendu auditif du post-punk, shoegaze ou autre glitch pop à un public non-initié s’avère être à peu près aussi fructueux qu’un bancal « j’aime le rock ». Sans compter les fois où on tombe carrément dans la science-fiction : une personne m’a ainsi affirmé ne pas aimer la musique « commerciale » (soit dit en passant, quelle vision stupide et manichéenne, comme s’il y avait la mauvaise musique uniquement motivée par l’appât du gain d’un côté, et la bonne musique désintéressée de toute préoccupation financière de l’autre) pour ensuite me dire que son groupe préféré était les Arctic Monkeys… Et ne parlons même pas des gens (dont je faisais partie) qui prétendent écouter de la « vraie musique, pas comme toute la merde qu’on a actuellement » en opposant Queen à Justin Bieber, j’ai déjà perdu trop de temps, d’énergie et de salive à essayer de les raisonner. Souvent accueillis par des hochements de tête polis assortis d’un air faussement intéressé, ces assertions tendent plus à éteindre qu’à catalyser la conversation.
J’ai pour ma part trouvé la parade à ces discussions stériles : autrefois fervent partisan du « Boh, un peu de tout, rock, rap, pop… », j’opte à présent pour un radical « à peu près tout sauf le reggae, la country et le folk ». Souvent suivi d’un « Ah ouais ? Ça veut dire que t’as pas écouté [Insérer le nom d’un groupe/artiste/album considéré comme le plus grand dans son genre] », cette affirmation a l’avantage de susciter davantage de réactions, qu’elles soient positives ou négatives, et d’ouvrir ainsi un débat aboutissant parfois à la découverte d’artistes remettant en question mes préjugés.
Et si je n’ai encore trouvé ni artiste ni CD m’ayant fait changer d’avis sur le reggae ou la country (désolé Bob Marley et Johnny Cash), Bottle it in, le huitième album studio de Kurt Vile, a bien failli changer la donne pour le folk.
Tout commençait pourtant assez mal, les premiers morceaux Loading zones, Hysteria et Bassackwards incarnant tout ce qui me repousse dans la musique folk, et par extension dans les précédents albums de Kurt Vile: c’est mou, nonchalant, vide et dénué de toute originalité, la production et les paroles sonnent désespérément creux… Et en plus ça dure DES PLOMBES ! Seul le plus aventureux Yeah Bones me laissait entrevoir une lueur d’espoir pour le reste de l’album, et me permettait de surmonter ces 10 interminables minutes de Bassackwards.
Sans aller jusqu’à dire que la suite de l’album fut une matérialisation du saint esprit du folk devant mes oreilles ébahies qui me métamorphosa en un fiché S radicalisé de la religion du Bob-Dylanisme, force est de constater qu’elle m’a tout de même agréablement surpris sur bien des aspects. La montée en puissance des guitares du très « hard blues » Check Baby, le captivant minimalisme de la chanson-titre Bottle it In ou encore la douceur et l’insouciance du très nostalgique Rollin with the Flow font de ce milieu d’album une jolie réussite.
Et c’est précisément grâce à ces morceaux que j’ai pu mieux appréhender le reste du projet, qui m’a paru plus appréciable et cohérent malgré sa ressemblance avec la première partie de l’album décrite plus haut. Peut-être ces quelques morceaux ont-t-ils agi comme une clé ayant ouvert la boîte de Pandore d’un pan jusqu’alors inaccessible de ma musicalité ? Ou peut-être ont-ils mis fin à une spirale négative de préjugés pour me mettre dans un état d’esprit positif plus propice à l’appréciation de la musique folk dans son ensemble (et par extension, de sa Sainteté Bob Dylan) ? Je ne saurais le dire.
Toujours est-il que Bottle it In, malgré la disparité de qualité de ses morceaux et les défauts inhérents aux choix artistiques pris par le chanteur américain (je le maintiens, il y a au moins 10 minutes de trop dans Bassackwards), reste un album agréable qui saura ravir les fans de la première heure comme les néophytes, voire même les haters du style (dont je faisais parti il y a encore quelques jours).
Maintenant, à la question « Et toi, t’écoutes quoi comme musique ? », je tâcherai de répondre « à peu près tout sauf le reggae, la country et le folk, à l'exception de Bottle it in de Kurt Vile ». Et qu’importe si on me répond par un hochement de tête poli et un air faussement intéressé. C’est un petit pas pour l’homme que je suis, mais un grand pas pour ma musicalité.
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le 1 nov. 2018
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