En 1956, Frank Zappa découvre "Le Marteau Sans Maître" de Pierre Boulez. Il a alors 16 ans et est littéralement fasciné par cette oeuvre. Quand il soumet 27 années plus tard à Boulez d'interpréter quelques unes de ses oeuvres, celui-ci lui propose encore mieux : une commande ! Il va sans dire que FZ s'exécutera rapidement en créant trois oeuvres pour l'Ensemble Intercontemporain. Une est inédite (The Perfect Stranger) et deux autres sont des arrangements (Naval Aviation in Art ?, Dupree's Paradise).
Lors de la représentation en public, FZ sera déçu du résultat, les musiciens de l'Ensemble Intercontemporain n'ayant pas suffisamment répété. Heureusement, le professionnalisme de Boulez fera que les enregistrements seront de meilleure facture. Malgré tout, le résultat souffre d'une certaine froideur. Les blocs orchestraux dans "The Perfect Stranger" sont rigides, il manque le charme jazzistique sur "Dupree's Paradise", ainsi que le violon piquant sur "Naval Aviation in Art ?".
Le disque sera complété par ses premières oeuvres au Synclavier, et là aussi, la machine et son côté inhumain pourront en rebuter plus d'un. L'atonalité et le synclavier, sont ainsi deux aspects de sa musique qui laisseront beaucoup de personnes sur le carreau. Pourtant, on peut ressentir les sonorités si particulières du Synclavier comme un atout, c'est en tout cas la volonté de FZ de nous proposer des compositions aux limites de la capacité humaine, son but étant même d'utiliser le synthé numérique pour exprimer des émotions qu'un musicien ne pourrait exprimer, la machine permettant de transcender l'interprétation humaine, de rendre possible l'impossible. Ces premiers balbutiements sont encourageants.
Cet album est, de par sa conception, un des plus difficiles à aborder si on n'est pas un minimum initié à la musique contemporaine et aux sonorités synthétiques du Synclavier. Il vaut donc mieux en l'écoutant, mettre au placard tous nos à-priori et se laisser emporter par ces sonorités si particulières.