Il n'y coupera pas, le Robert, à la tarte à la crème du chroniqueur paresseux, à cet imparable constat qui saute aux oreilles à l'écoute de Brand New Towns : il a dans la voix quelque chose d'Elliott Smith, ce même timbre fragile, ce même chant au bord de l'épuisement, qui porte en lui une mélancolie tenace. Musicalement, le cousinage est tout aussi patent, même si la pop au ralenti de Robert Gomez semble moins imprégnée de l'héritage des Beatles, affichant des références moins lointaines (Grandaddy ou ses amis de Midlake). Grand timide, le jeune Texan a choisi d'enfouir ses chansons et sa voix sous des arrangements riches et vaporeux. La mélodie somptueuse de All We Got semble flotter dans une brume cotonneuse, alors qu'une guitare acoustique enveloppe vibraphone, violons et trombone. Si la première écoute laisse craindre un disque monotone, cette stratégie de l'enfouissement s'avère vite payante et la subtilité des arrangements s'impose naturellement. Claviers, guitares, chant et instruments à vent font corps avec des mélodies d'une grande beauté. Quand Robert presse le pas, ce sont des tubes qui jaillissent: sur des rythmiques plus appuyées, The Same Sad Song et The Leaving sont sublimes, éclairées par des trouvailles discrètes (mariage arrangé pour un harmonium et un Moog, choeurs ondulants échappés de Star Trek). S'il faut chipoter, on raccourcirait bien ce deuxième album d'une dizaine de minutes, mais la chanson Brand New Towns, qui ferme la marche dans un maelström inquiétant de clochettes et cuivres, nous ramène à l'évidence que l'on tient un talent éblouissant, le genre de type qui prépare certainement un che- d'oeuvre imparable pour les années à venir. Aussi, quand on lit sa profession de foi sur son site ("Nous sommes des créatures égoïstes, acharnées au bonheur/Cela ne peut pas finir bien, nous le faisons néanmoins"), on a envie de prendre Robert dans nos bras et de lui dire : attention l'ami, tiens-toi éloigné de tout objet contondant. (Magic)