Cet album est celui qui installera définitivement Supertramp comme un groupe de pop sympathique et enjouée dans l'imaginaire collectif, alors que Supertramp avait pu faire prog, psychédélique, jazzy et bien plus encore. Dans cet album on entend aussi le début de la fin pour le groupe anglais, qui digèrera mal le succès de son petit déjeuner américain. Les querelles entre les deux chanteurs Rick Davies et Roger Hodgson se font sentir, on sent comme une bataille à qui écrira le plus gros tube. Je sais que ça en gène certains, mais moi, étonnamment, ça ne me dérange pas le moins du monde.
En fait, la seule chose qui m'empêche de mettre 10 à cet album, c'est son hétérogénéité. Là où Crime of the Century formait un ensemble d'une cohérence rare, Breakfast in America enchaîne sans trop de transition morceaux énormissimes et tout à fait quelconques... Et pourtant qu'est-ce qu'il est riche cet album, je pourrais presque faire une critique pour chacun de ces morceaux-phares (c'est ma technique habituelle quand les albums manquent d'unité, mais là c'est surtout qu'ils le méritent diablement et que j'ai pas envie d'écrire 5 critiques séparées) :
The Logical Song, d'abord, et toujours. Cette chanson est juste parfaite, le rythme de piano carré et le refrain gentil laissant progressivement place à la folie des solos de saxophones, rejoignant ainsi le thème des paroles...
Goodbye Stranger, qui nous donnerait envie d’entendre un peu plus souvent Rick Davies sur l'album, a des paroles formidablement bien écrites et constitue une magnifique ode au voyage. Et quel solo...
Breakfast in America, troisième du trio, tube imparable et incroyablement efficace, qu'est-ce que tu veux faire contre ça franchement ? D'autant que jamais, jamais on ne pourra s'en lasser, à chaque écoute ça remarche.
Take The Long Way Home, on l'oublierait presque parmi les autres morceaux, n'étaient sa grandiose intro piano+harmonica et son message sympathique.
Child of Vision enfin fait un peu figure d'OVNI à la fin de l'album, avec ses synthés années 80 et ses paroles presque écologistes. C'est véritablement un morceau visionnaire selon moi, tellement il capte musicalement l'esprit de la décennie à venir... C'est aussi un véritable tour de force pour Supertramp que de réussir à rester crédibles, entraînants et même à conserver leur identité dans ce qui aurait pu être une bouillie sans nom... Et pourtant ce "tilidi lilidi" fait mouche à chaque fois. Sans parler du final de la chanson, qui nous rappellerait presque que la décennie 1970 était celle du rock progressif.
Qu'on me comprenne bien, je ne trouve pas les autres chansons désagréables ; Casual Conversations aurait été parfait s'il avait constitué une petite île déserte où se réfugier au milieu d'un océan de merveilles. Elles se laissent écouter, et on s'ennuie finalement très peu, l'album étant assez court. Mais forcément, à côté des monstres, elles ne présentent pas grand intérêt.
Ce qui sauve l'unité de l'album, c'est cette évocation du voyage qui traverse ses chansons, d'une façon ou d'une autre, à travers les paroles d'une chanson où un air de saxophone. D'ailleurs le moins qu'on puisse dire c'est que les mélodies font voyager, Supertramp trouvant encore et toujours LA mélodie, LE refrain. Quand on entend une chanson de Supertramp, d'une part on les reconnaît dès la première mesure, et d'autre part on sent que tout est parfaitement juste et n'aurait pu être autrement. Ajoutez à ça la production toujours au top et vous me faites fondre, à tous les coups.
Alors cet album, il est certes moins recherché que Crime of the Century, qui restera le chef d’œuvre à mes oreilles, mais il est terriblement efficace, et contient peut-être les meilleurs morceaux de Supertramp. Ceci dit j'aurais beaucoup de mal à vraiment définir quels sont les meilleurs morceaux de Supertramp, donc on va pas trop s'engager non plus !
Le début de la fin, diront certains, je leur répondrais plutôt, la fin du début.