Bye Bye Cellphone
7.3
Bye Bye Cellphone

Album de 1973 (2010)

Les mythologies, antiques ou modernes, conservent toujours leur capacité à nourrir de manière sans cesse renouvelée l’imaginaire des artistes. Pour le meilleur (The Beach Boys) et pour le pire (disons, Julien Clerc), la Californie constitue depuis près de quarante ans l’un des terreaux les plus féconds à l’éclosion des fantasmes musicaux. En choisissant un patronyme évoquant explicitement une période musicale placée sous le double signe du soleil West Coast et du classicisme pop, le trio parisien n’a pas fait mystère de ses références ni de ses intentions. Pourtant, leur premier album ne s’apparente en rien à un hommage scolaire, compassé ou nostalgique à un quelconque âge d’or révolu. En toute simplicité, ces trentenaires cultivés assument avec transparence le contenu de leur discothèque sans jamais renoncer à leur esprit ludique ni à leur liberté de ton salutaire. De la première à la dernière note, Bye Bye Cellphone laisse transparaître non seulement un authentique amour des mélodies radieuses et un savoir-faire pop impressionnant, mais aussi une réelle volonté de disposer de manière moderne et innovante les nombreuses balises qui délimitent les contours de cet univers musical bien connu. En diversifiant les instrumentations, mêlant aux guitares et aux cordes les sonorités antiques de synthés vintage, ils parviennent à donner corps à leur vision imaginaire des plages de Venice ou de Big Sur, tout comme leurs lointains cousins irlandais de The Thrills. Les lignes de chant, limpides et tortueuses à la fois, oscillent au rythme changeant des compositions aux tonalités tantôt folk (September, Simple Song), tantôt soft rock (Little Things To Take Away) et parfois plus mélancoliques (Late Night Call). Comme le chantait si bien HAL, cet autre groupe avec lequel 1973 entretient une parenté esthétique presque évidente : “Take a look at those guys/When they play their hits on the radio”. Satisfaction garantie. (magic)
L’émergence, ces dernières années, d’une scène pop française décomplexée et inventive n’est plus à prouver : de Tahiti Boy à Chateau Marmont, de Revolver aux futurs champions Jamaica, les représentants du pays se moquant royalement des quotas francophones imposés aux radios sont aujourd’hui aussi nombreux que captivants. Après avoir salué le couronnement américain de Phoenix, on assiste aujourd’hui au sacre national de Pony Pony Run Run, dont les concerts affichent complet et dont le premier album se vend comme des chocolatines à la sortie d’une école toulousaine. Autres prometteurs représentants de cette scène française, les membres de 1973 avaient donné des premières nouvelles l’an passé, le temps d’un attachant premier ep. On apprenait alors que les Versaillais (Nicolas, Jérôme et Thibault) n’étaient pas nés en 1973, et que le groupe, malgré son nom, n’avait rien à voir avec le choc pétrolier. Sa musique, d’ailleurs, pourrait bien inonder tous les océans du monde, elle ferait du bien à l’eau. Douce, suave, vêtue la plupart du temps d’une jolie robe acoustique, elle constitue un antidote à la crise, et représente le contraire de Lady Gaga. “Ça peut paraître prétentieux mais on aime bien les choses assez belles, les harmonies, les accords, les choeurs. Il y a des artistes qui sont davantage dans la tension. Ce n’est pas notre créneau. On nous a souvent associés à des images de Californie, de soleil. On ne comprend pas toujours le lien mais ça nous plaît. On préfère que notre musique évoque quelque chose de joli plutôt qu’une décharge.” Pour rester éloigné des poubelles et autres déchetteries, le groupe est parti façonner son album, Bye Bye Cellphone, loin de Paris, dans le Perche. En découle un premier disque qui succède à des expériences déjà nombreuses : le chanteur Nicolas réalise des documentaires, alors que Thibault et Jérôme ont joué aux côtés d’un paquet de gens fréquentables – Austine, Nouvelle Vague, Dominique Dalcan, Darkel. On croise une autre complice, la chanteuse Camille, venue en amie prêter sa voix à l’exquis premier single Bye Bye Cellphone. Autre sucrerie remarquable, Simple Song (for a Complicated Girl) pourrait postuler au titre de meilleure pop-song à placer sur une compile pour séduire une fille. Le tout, quoique savamment orchestré, affiche un naturel et une simplicité délectables. “Avant le studio, on avait enregistré presque tous les morceaux chez Thibault : des demos très précises, presque définitives. Du coup, en studio, on a essayé de déproduire, de faire un peu moins propre. Ceci étant, on n’a pas peur de l’image de groupe lisse. On aime bien Coldplay, qui a pourtant composé des choses un peu borderline. Mais tu peux piocher des éléments chez Coldplay comme chez Bon Iver. Et on sait aussi éviter les niaiseries. S’il y a par exemple une phrase que le groupe trouve naïve, on a Thibault : c’est la milice du cucul.” Mais ces garçons-là ne sont pas du tout cuculs, ces garçons- là sont des doudous. (inrocks)

bisca
7
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le 10 avr. 2022

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