Bien peu de gens s'intéressent encore à Gong, groupe qui, à son époque, déjà, n'intéressait que le plus petit nombre ... Leurs adeptes critiquaient la société de consommation, et leur musique ne peut s'apprécier qu'en ayant un regard critique sur la musique que l'on produisait à cette époque. Alors faisons un petit tour d'horizon musical de cette fameuse année 1971. Même dans les milieux alternatifs on a plus de chance de tomber sur un disque de Bob Dylan, de Yes ou de Genesis, un des albums les plus expérimentaux que l'on trouve à l'époque étant le "Meddle" de Pink Floyd. C'est dire que le "Camembert Electrique" tombe du ciel, tel un extra-terrestre.
Alors si même à l'époque peu de gens parvenaient à en apprécier toutes les saveurs, qu'en est-il à notre époque ? Vu les 341 notes sur SC au 3 mai 2021, on peut dire que cet album reste méconnu ! Mais qu'en est-il du contenu ? Est-ce justifié ?
Il faut, je pense, pour bien en apprécier les subtilités, avoir une idée assez précise du contexte historique, social, culturel, politique de l'époque, car Gong, pourfend tous les acquis, un peu, tels les dadaïstes et les surréalistes l'ont fait un demi-siècle avant eux ou la Beat Generation aux Etats-Unis à la même époque. Le titre de l'album proposant une vision on ne peut plus surréaliste et humoristique.
Dès le début on est averti de l'aspect cosmique de ce que nous allons entendre, le temps d'un petit jingle radiophonique pour directement être plongé dans un morceau entraînant et pêchu nous annonçant que Dieu en personne ne peut tuer un personnage imaginaire ... la musique elle-même étant dans l'esprit de ce qu'un Frank Zappa pouvait nous offrir, ici en concentré.
On poursuit sur un court morceau divisé en trois parties : la première est plutôt liturgique et parle de lapidation (stoned), jeu de mots pouvant également signifier "pêté", le chanteur prenant une intonation théâtrale, la voix, ainsi que la musique devenant de plus en plus délirante jusqu'à prendre un air jovial et festif sur une ronde enfantine, pour terminer sur un refrain entêtant. Le contraste entre sujet et moyens musicaux mis en oeuvre étant ici maximal.
Contraste également avec le morceau suivant, qui nous emmène dans un univers onirique de fantaisie avant de nous dynamiter avec un morceau nous emmenant progressivement vers l'extase du Camembert Electrick, morceau typiquement Gongien ! Je ne sais pourquoi, mais il me fait penser à l'univers atypique des Residents par moments.
La face A du vinyle se terminant sur un court morceau délirant, une voix nous proposant du camembert ...
La face B commençant également par un court morceau introductif au titre absurde signifiant "Presser des éponges sur la tête des policiers" se poursuivant sur un long morceau essentiellement instrumental avec un passage chanté assez délirant donnant le ton général de l'album.
Le morceau "And You Tried So Hard" est dans la plus pure tradition hippie de l'époque et est parodique, tout-à-fait dans l'esprit des Mothers of Invention, le côté bucolique étant accentué de manière humoristique.
Le dernier morceau débutant par le saxophone rutilant de Didier Malherbe propose une ambiance aux recherches musicales que le mouvement RIO (Rock In Opposition) ne renierait pas, le disque se terminant, bien sûr sur un court morceau nous rappelant que nous sommes passés par la planète Gong.
Il est évident que ce voyage musical a brisé la ligne du temps spatio-temporelle, nous propulsant ainsi dans un univers à nul autre pareil. Il n'y a pas eu de prédécesseurs, et il y aura beaucoup de suiveurs qui s'engouffreront dans cette brèche ouverte sur le néant.