Il a été un peu partout, Curren$y, en cette année 2015. Vers le bon, le moins bon, la mixtape, l’inédit. Vers le LP, désormais, avec un Canal Street Confidential qui clôt son année.
C’est presque s’il récupère d’un torrent de sorties une carrière commencée sur le tard. Curren$y ne semble pas vraiment le genre d’artiste à être coché dans la case « old school ». Pourtant, à 34 ans passés, le natif de Louisiane n’est plus vraiment tout jeune. Canal Street Confidential se doit donc d’être l’album de la maturité.
L’univers de Curren$y lui colle à la peau. Il est reconnaissable entre mille. Weed, chill et beats posés, le rappeur n’est pas du genre à poser sur n’importe quoi, ni avec n’importe qui. C’est assez rare pour être souligné, mais c’était vrai jusqu’il y a peu. Comme pour rassurer une fanbase qui l’a vu partir ces derniers mois sur quelques sons sans contextes, dans un début de dérive commerciale, le voilà dans une unité artistique retrouvée. Tous les morceaux sont signés par Purps, héritant des atmosphères de Ski Beats, habituel collaborateur sur les Pilot Talk.
Miracle. Comme pour être débarrassé de ce qui semble être un marronnier de production, Curren$y cale son inévitable collaboration avec Future en ouverture de morceau. Surprise, puisque ce dernier arrive étonnamment à ne pas gâter ce « Drive By » introductif. Mieux, il rappe. Un peu. Évidemment, il ne peut s’empêcher quelques meuglements distinctifs, mais rien ne nous fait grimper au plafond. C’est déjà une petite victoire.
Sans prise de risque
Dans son style, Curren$y n’a pas d’équivalent. Si nombreux sont ceux qui s’essaient au flow lourd et rocailleux du rappeur, il reste le maître de son petit bout de cour. Les premiers morceaux, de « Everywhere » à « How High (feat. Lloyd) » ne font qu’entériner le style du MC. Du beat qui part partout, un sampling soul et le tour est joué. Les trois premiers titres montent en gamme jusqu’à « Speed », un hommage aux goûts 80’s qui rappelle la cuisine exquise d’un Harry Fraud qui aurait presque pu poser son blaze sur le son.
Longtemps éclipsé par l’éclat soudain et phénoménal de son compère Lil Wayne, il partage avec lui un « Bottom of the Bottle » presque acoustique en la compagnie additionnelle d’August Alsina pour un titre R&B qui ne lui ressemble pas vraiment. Il n’y est d’ailleurs pas vraiment à l’aise, le Spitta, ajustant difficilement son flow. « Boulders » et « All Wit My Hands » résonnent eux aussi comme des titres mal taillés, un peu trop dans la veine gangsta du début des années 2000, sans que le rappeur n’y trouve son angle d’interprétation.
Il y a un autre thème qui est cher au cœur de Curren$y : c’est bien celui de la réussite tardive. A l’image de « Winning », en collaboration avec Wiz Khalifa, Spitta s’extasie d’avoir réussi alors qu’il n’était parti de rien. Une thématique ressassée, que le rappeur n’agrémente en rien dans l’écriture, se permettant même quelques poncifs d’autre époque, revus dans les lamentations de chacun sans y apporter une touche neuve ou personnelle. Même principe sur « Superstar » avec Ty Dolla $ign. Bien sûr, d’une oreille distraite, on ne peut que valider un son ultra-smooth. Pour autant, le rap n’est pas qu’une affaire d’instrumental. On ne saurait occulter la pauvreté de l’écriture du projet, qui plus est sur un album studio.
A force de rouler sans cesse le même spliff, Spitta tourne en rond. Non pas qu'on soit véritablement dégoûtés de l'univers riche de Curren$y, mais le gus ne semble pas avoir dépassé son personnage et ses gimmicks depuis le début de sa carrière. Voilà une dizaine d'années que Curren$y ne s'adresse qu'à ses adeptes. On n'aurait jamais pensé le dire, mais parfois, un peu de prosélytisme, tant qu'il s'associe à une diversité artistique, ça ne fait pas de mal.
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