Depuis combien d’années n’avais-je pas eu un gros coup de cœur pour un album de punk rock ? Je ne parle pas ici de punk anglais, nostalgique du son de 1977 ; de punk américain, formaté pour les collèges radios ; ou d’anarcho-punk français, joué dans les squats devant une dizaine de punks à chien. Cartoon Darkness est l’album d’un groupe Australien, loin de tout ça.
D’ailleurs est ce vraiment du punk rock ? Au diable les étiquettes, c’est un album de rock furibard et survolté et l’esprit punk est bien là dès l’introduction. On entre dans l’album comme on pénètre dans une bagarre de rue, sans sommation : «You’re a dumb cunt / You’re an asshole». Le groupe est emmené par Amy Taylor, une furie déchainée, au chant qui passe du registre agressif au sexy aguicheur. Ses textes expriment un féminisme radical et salutaire «you think the world is not men enough ? So I’m gonna inject some of this cunt !» et les groupes machos en prennent plein la tête «You and your boy band, ugly and hairy / Me and the girls look snazzy and hot». Elle est là, sans fard ni filtre, comme un miroir impitoyable de notre époque.
Les guitares grondent, éructent, explosent dans une débauche de sons qui oscillent entre punk acide et rock crasseux. Mais ce qui fait la magie de ce Cartoon Darkness c’est sa maitrise et sa variété. Les rythmes vont du quasi hardcore de It’s mine, au dansant Me and the girls, en passant par l’apaisé et mélodique Bailing on me
Cartoon Darkness est un rappel furieux que le punk n’est pas une nostalgie, c’est une urgence. Un besoin viscéral de hurler contre la vacuité moderne. Tant qu’il reste des cris et du bruit, il reste une forme de liberté, ce disque est fait pour nous secouer et nous réveiller. En tout cas, pour me réveiller : j’apprends que c’est leur troisième album, je devais hiberner pendant la sortie des deux premiers, mais je compte fermement rattraper ce retard !