Chet Baker Quartet - Chet Baker In Paris - Vol.3
L’histoire du jazz recèle de ces albums dont la conception est peu commune, et, ici, carrément dramatique. Ça se passe à Paris en septembre 1955. Chet Baker est arrivé avec son quartet, il doit enregistrer pour Eddie Barclay quelques thèmes arrangés ou composés par des artistes locaux. Il est accompagné par le batteur Peter Littman, le bassiste James Bond et le pianiste Dick Twardzik. Celui-ci est très proche de Chet, il co-signe même certains albums avec le trompettiste qui lui voue une grande estime musicale. Ils partagent également une addiction qui s’avèrera fatale à Dick Twardzik lors de ce séjour parisien, il est victime d’une overdose à l’héroïne.
Chet est effondré par le décès de son ami, un lourd poids pèse sur ses épaules, pour envenimer encore les choses, son batteur Peter Littman se fâche avec lui et repart vers les Etats-Unis. Mais Chet doit honorer son contrat et Barclay est tenace en affaire. Celui-ci donne un coup de fil au pianiste Gérard Gustin qui jouait au Club St Germain. Peu connu, il est flatté « de travailler avec des stars, mais en même temps quelle angoisse ! » Nils-Bertil Dahlander remplacera le batteur.
Face à l’urgence, le choix du répertoire s’oriente vers les standards, l’ambiance est lourde, tendue, d’une tristesse infinie. Tout est improvisé et enregistré, les « couacs », les imperfections, et même la gorge qui se serre sous le poids de l’émotion. En même temps chaque pièce, libérée des artifices et des embellissements, portée par le lyrisme fou de Chet, est un chef d’œuvre, comme une offrande à la douleur, à l’ami qui s’en est allé. Il suffit d’écouter « You Go to my Head » ou « Loverman » et même chacun des titres présentés ici.
Quant au remplaçant de Dick Twardzik, Gérard Gustin, effrayé lors de ces sessions, il se montre rien moins que sublime !