Voici « Circuit City », le dernier opus de Moor Mother alias Camae Ayewa dont on a déjà parlé à propos d’Irreversible Entanglements, d’ailleurs on retrouve ici deux transfuges, Aquiles Navarro à la trompette et aux percussions ainsi que Tcheser Holmes à la batterie et aux percussions également.
Moor Mother est avant tout une poétesse engagée, ici dans le rôle de la récitante, qui délivre ses messages sur fond d’œuvre théâtrale avec partie chorégraphique et environnement musical très tendu, un free jazz échevelé, très impliqué. Dans sa démarche, bien que l’environnement socio-culturel soit très différent, elle me fait penser à Colette Magny qui chantait ses textes dans un univers free.
Ici nous en sommes assez éloignés car Moor Mother semble vouloir, sauf contresens de ma part, intégrer sa démarche pour la lutte des noirs américains, l’égalité des droits et contre le mal-logement, à l’intérieur de l’Afro-futurisme, donnant à ce « mouvement » entre guillemets, un peu de corps, car il faut bien le dire, on a vu fleurir ce terme pour des raisons souvent commerciales, rappelons que cette dénomination est apparue au début de ce siècle et qu’il récupérait Sun Ra ou Alice Coltrane, sans que ceux-ci n’aient jamais déclaré appartenir à quelque mouvement que ce soit, particulièrement Sun Ra qui a résisté à toutes les tentatives de récupération à son époque.
Moor Mother, basée à Philadelphie, enregistre beaucoup et collabore également avec des artistes d’International Anthem. « Circuit City » me plaît beaucoup, il possède une grande force orchestrale tout au long des quatre pistes, chacune représentant un acte de l’œuvre théâtrale. Il y a une progression implacable qui s’affiche ici, finissant avec le titanesque "No More Wires". Il y a un côté étouffant et oppressant dans cette épopée free-jazz/électro qui file entre nos oreilles, je ne suis pas devin mais cet album me paraît important, bien qu’il soit d’un accès réputé difficile.
Il y a également Steve Montenegro à l’électro, Luke Stewart à la basse, Keir Neuringer au saxophone et Elon Battle qui chante, très bien, sur la piste trois, comme une respiration sur cet album exigeant.