Neil Young, artisan frénétique de la ressortie de perles inédites de son prolifique passé, l’a toujours clamé : les exhumations d’archives ne doivent pas prendre l’ascendant sur son activité au présent. Au mieux la nourrir. Comment ne pas songer que ces nouvelles retrouvailles avec Crazy Horse, sept ans après Psychedelic Pill, ne lui ont pas été inspirées par la redécouverte de Tonight’s the Night, joué live au Roxy de Los Angeles en 1973 ? D’autant plus qu’on retrouve aux côtés du Loner, de Billy Talbot et de Ralph Molina, non pas Frank Sampedro à la six cordes, mais le revenant Nils Lofgren. D’où une version plus mélodique de Crazy Horse qu’à l’accoutumée, Lofgren apportant au Canadien sa sensibilité plus pop et sa maîtrise des claviers. On est loin du déluge sonique de Psychedelic Pill. Ici, seul She Showed Me Love prend une dimension épique, étirant sur plus de treize minutes un groove mid tempo et cahotant une chanson de regret et d’espoir pour la planète, l’interaction entre Young et Lofgren à la guitare compensant le refrain minimal répété à l’infini. Ailleurs, Colorado, enregistré en quelques jours, s’avère étonnamment varié, d’un simple et entraînant Think of Me countrysant en ouverture au délicat swing folk du I Do de clôture, où Young, de sa voix fragile de septuagénaire, continue de croire en la vie, à l’amour, au futur. Entre les deux, il alterne rock rugueux et envolées lyriques (parfois sur le même titre, comme sur Olden Days), ballades aux échos « harvestiens » (l’épuré Green Is Blue), résonances bienvenues de Zuma (Milky Way) et quelques titres plus anecdotiques. Pour prouver, à l’arrivée, qu’avec ou sans Crazy Horse, il est loin d’avoir épuisé sa course folle et imprévisible.(T)