Common Use
Common Use

Album de Original Folks (2009)

À l’Est, enfin du nouveau. Ou plutôt des nouvelles. Des nouvelles de Jacques Speyser, ce jeune homme longiligne que l’on croise de temps à autre, et le plus souvent, sans même être prévenu. La première fois, c’était au siècle dernier, pile poil à une époque où tentait d’émerger une scène hexagonale, sans trop de moyens mais avec beaucoup d’idées. Le garçon officiait alors sous le patronyme abracadabrant de The Non Stop Kazoo Organization. Et jouait dans Stephen’s Library. Avec les années, la mémoire se brouille. Mais peu importe, en fait, car dans les deux cas, il bricolait des chansons brinquebalantes et naïves, fortement imprégnées de cartes postales envoyées de Grande-Bretagne avec accusé de réception par quelques amis bienveillants. Alors, Katerine ne pensait pas à monter le son et hésitait entre Les Mariages Chinois (1992) et L’Éducation Anglaise (1994) ; Dominique A essayait de convaincre un auditoire plus clairsemé que ses cheveux qu’il n’était pas une réincarnation de Barbara, French Cowboy chassait déguisé en The Little Rabbits. Il se dessinait un axe Strasbourg-Bordeaux – avec déviations bretonnes –, qui s’ingéniait à snober Paris, sa presse et son stress. Sans vraiment le connaître, on se doutait que Jacques était un gars bien, biberonné à la scène anglaise décalée et recalée, surtout, par le public, un artisan de la chose pop, suffisamment obsessionnel pour toujours trouver le moyen de revenir. Un jour ou l’autre. Une parenthèse nommée Molies plus tard, le garçon n’a pas trahi ces premières impressions. Tenancier d’un Grand Hotel quatre étoiles, il signait même, en français dans le texte, une chanson funambule baptisée Phare Ouest (2002), à laquelle on ouvrit grand nos Apartments. Mélodie en accroche-cœur, guitares drapées dans un suspense dramatique portaient ce morceau obsédant dont on ne s’est toujours pas lassé, sept années après sa sortie. Heureusement d’ailleurs, car depuis ce coup d’éclat, maître Jacques pointe aux abonnés absents. Ou peu s’en faut. Pourtant, on ne s’en faisait pas plus que ça, rassuré une fois de temps en temps par les nouvelles qui filtraient d’un des rares labels dignes de ce nom, Herzfeld, structure strasbourgeoise bricolée, bricoleuse et aventureuse, qui imagine encore les disques comme de véritables objets. Speyser, disaient-ils, avait donc fomenté un nouveau projet, au nom aussi simple qu’engageant, Original Folks, un projet dont la formation mouvante ouvrait de nouvelles opportunités à son compositeur en chef. Sans pour autant lui donner des envies de célérité. Car voilà quatre ans que le monsieur travaille, façonne, pétrit, modèle les chansons d’un premier album dont on commençait craindre qu’il ne rejoigne la cohorte des Arlésiennes pop. Parce qu’on s’inquiétait, forcément, d’une usure toujours possible, d’un nouvel atermoiement de la part de ce velléitaire surdoué, pas forcément conscient qu’il existait VRAIMENT des gens désireux d’entendre ces fichues nouvelles compositions. Autant l’avouer d’entrée : avec Common Use, ceux-là ne seront pas déçus. Les autres, non plus, d’ailleurs. Ici, pas de frime, pas de pauses ad hoc, pas de discours étudié, ni d’accointances aux quatre coins de la planète. Juste douze chansons (onze, en fait, puisque l’une d’entre elles se décline en modes vocal et instrumental), pendant lesquelles le chanteur et ses musiciens s’amusent à réussir un grand écart au dessus de l’Atlantique, posant le pied gauche sur le Nouveau Continent pour mieux prendre appui avec le droit sur les côtes de la Perfide Albion. Un numéro d’équilibriste en guise d’une dichotomie qui n’est étrangère à la splendeur admirablement vulnérable, au romantisme espiègle qui traversent chaque minute d’une œuvre à l’évidence radicale. D’ailleurs, Six-Wired Bird Of Paradise, le fameux titre offert en deux variantes, illustre à merveille cette ubiquité : en version chantée, il évoque l’aridité désertique de l’Arizona (Tucson n’est pas loin, quand même) ; dans sa nudité instrumentale, il se fond dans les volutes brumeuses du nord de l’Angleterre – Felt et Birmingham comme points de repère. Mais bien avant, déjà, dès l’inaugural Daze en fait, ballade élancée chargée d’ouvrir les hostilités, Original Folks réussissait son numéro et signait l’exploit peu banal de présenter l’insaisissable Mark Linkous de It’s A Wonderful Life (2001) au mystérieux Maurice Deebank de The Stagnant Pool le temps d’un somptueux mariage (Made In Heaven, pourrait-on ajouter, en un nouveau clin d’œil un peu trop appuyé). L’insouciance benoîte de Gone With The Weather, l’agilité mélodique du contagieux Passer-By et de son refrain électrisé, l’élégance indémodable d’un Golden Age aux chœurs feutrés et à la basse chaloupée s’affranchissent dès lors en autant de moments d’intimité que l’on se surprend à être invité à partager. Une voix chaude et accueillante, des arrangements à discrétion et autant de refrains à la fragilité radieuse diffusent un sentiment de sérénité languide. À l’instar de ce Modern Drive en apesanteur, quelques minutes d’une mélancolie érigée en raison de vivre et, en passant, le morceau que Midlake ne pourra jamais écrire. Parce que, à un moment ou à un autre, il faut bien se rendre à l’évidence. À la tête d’une discographie insolemment squelettique, amateur dans le plus noble sens du terme, Jacques Speyser, seul et accompagné, appartient à une sacrée lignée de songwriters. Alors, pour cela et plus encore (quelques images, un pincement de corde, un orgue diffus, une batterie feutrée), on savoure les précieux instants qu’il offre aujourd’hui le temps de ce Common Use que le bon sens commun finira bien par porter au pinacle. (Magic)


A un moment où on ne parle, à juste titre, que de la qualité de la scène clermontoise, on découvre un somptueux album de pop-folk qui n’a pas pris sa source dans le Massif Central mais dans le Ballon d’Alsace. C’est en effet à Strasbourg que l’on trouve trace de Jacques Speyser et de ses acolytes du projet Original Folks, un projet en gestation depuis 4 ans. "Common Use" est un témoignage de ces 4 années de la vie d’un groupe, avec ses joies, ses peines, ses doutes et le départ de 2 membres (Pierre Walter et Stephan Nieser, qui apparaissent tout de même sur la pochette de l’album).C’est donc désormais sous la forme d’un quintette qu’Original Folks œuvre pour le label strasbourgeois Herzfeld. Ce premier album, s’il ne reflète plus la situation actuelle du groupe, a permis de rassembler, de fédérer, autour de Jacques Speyser, instigateur du projet et songwriter des 12 titres qui composent l’album. C’est également lui la pierre angulaire des compositions de "Common Use", lui que l’on entend au milieu des arpèges de guitares, sa voix chaude à la Matt Berninger nous rassurant dans cet océan de mélancolie.Ni vraiment pop, ni vraiment folk, ce premier album d’Original Folks navigue entre les influences d’Outre-Manche et d’Outre-Atlantique, sans que l’on sache vraiment laquelle a sa préférence. Ce que l’on sait en revanche, c’est que Jacques Speyser s’y connaît pour trousser des mélodies qui n’ont rien à envier à ce qui se fait de mieux hors de l’Hexagone. De l’introductif Daze, sobre et aérien, au diptyque Six-wired bird of paradise dans une version chantée et une instrumentale, en passant par Holy Ghost, slowcore tendance Great Lake Swimmers, ou encore Passer-By et Golden Age, "Common Use" tutoie l’excellence et nous fait croire en de beaux lendemains qui chantent du côté de l’Alsace. (indiepoprock)
bisca
7
Écrit par

Créée

le 11 avr. 2022

Critique lue 7 fois

bisca

Écrit par

Critique lue 7 fois

Du même critique

Le Moujik et sa femme
bisca
7

Critique de Le Moujik et sa femme par bisca

Avec le temps, on a fini par préférer ses interviews à ses albums, ses albums à ses concerts et ses concerts à ses albums live. Et on ne croit plus, non plus, tout ce qu'il débite. On a pris sa...

le 5 avr. 2022

3 j'aime

Industrial Silence
bisca
8

Critique de Industrial Silence par bisca

Vocable à résonance latine et nom espagnol donné à l'Aurore, Madrugada est pourtant un quartette norvégien... Il faut donc chercher ailleurs pour en trouver le sens et l'on découvre immédiatement des...

le 5 avr. 2022

3 j'aime

Santa Monica ’72 (Live)
bisca
7

Critique de Santa Monica ’72 (Live) par bisca

Ça commence avec la voix du type de KMET, la radio de Santa Monica qui enregistre et diffuse ce concert de Bowie, le 20 octobre 1972. « Allez hop on va rejoindre David Bowie qui commence son concert...

le 27 févr. 2022

3 j'aime