Sirone Bang Ensemble – Configuration (2005)
Voici un album pour qui l’engouement ne devrait pas énormément dépasser les amateurs de free. Trop brut, dissonant, bruyant, austère, irrespectueux, malséant, cassant, brutal, rentre-dedans, étrange, direct, saillant, excentrique, discordant, grinçant, choquant, criard et même, diront certains, déplacé.
Mais je le joue ici quand même, parce que ces gars sont tous les quatre des as, et même peut-être des monstres. Ça se passe en live et les gens qui écoutent n’ont pas l’air de se plaindre, peut-être sont-ils bas du front, dans mon genre, un peu chelou, des asociaux, un poil rebelles et énervés, du genre pas franc du collier, forcément qu’ont des trucs à cacher, pas nets et, probablement, et c’est le pire, pas trop propres sur eux.
Mais qui sont ces anches déchues, je voulais dire « ces anges déchus », les acteurs du méfait sonore, ce « Sirone Bang Ensemble » qui sévit, et bien ma foi, on les connaît, déjà repérés et sur les fiches, des récidivistes invétérés. Tenez-vous bien, l’énigme est difficile, Sirone c’est le bassiste, connu également sous le nom de Sirone, c’est bien çà, il n’avance même pas masqué !
Le second, Bang, c’est Billy Bang, le violoneux, semble fier de lui également. Le troisième a le bon goût de se dissimuler, mais son jeu le rend immédiatement identifiable, Charles Gayle au sax alto et au ténor, et le dernier c’est Tyshawn Sorey à la batterie, j’hésite à dire « à la batterie de casseroles », limite délinquant, mais ce serait un peu facile, de l’endroit où je me trouve.
Des excentriques, on a compris, tous victimes en premier lieu du délire Aylerien qui sévissait autrefois, les symptômes sont évidents et se reconnaissent facilement, délire mentale, confusion, déconstruction de la personnalité, bon je ne psychiatrise pas plus, mais on voit où on se situe.
Au milieu de structures bâclées et désordonnées, avec un lyrisme exacerbé qui vous arrache le cœur, hurlant et frénétiques, ils se lient à quatre pour vous extirper à votre milieu ambiant, s’attaquant à votre cocon protecteur en vous salissant sans vergogne, puis ils vous abandonnent, tout estourbis, sonnés, choqués, laissé au bord du chemin sans rien pour vous guider, avec ce free-jazz comme seul et unique point de repère, encore perceptible et fin repère lumineux, comme une luciole, au fin fond de cette nuit noire et atroce…
La cinquième pièce se nomme « Notre Dame De La Garde », signée Billy Bang, Bonne mère ! Vous m’avez compris, des dangereux, je vous avais prévenus !