Constrictor
6.4
Constrictor

Album de Alice Cooper (1986)

Trois ans d'attente avant de voir resurgir la sale sorcière des cendres de son bûcher. Trois ans pour qui a écouté les albums parus durant le début des années 80, mais si on considère que "Lace and Whiskey" a été le moment où Alice Cooper a quitté le devant de la scène, on n'est pas loin des dix ans ! La route a été chaotique, des flots d'alcool ont coulé sous les ponts avant que le visage au maquillage caractéristique du Coop ne vienne orner la couverture d'un nouvel album. Couverture hideuse s'il en est, où le chanteur se fait étouffer par un emblématique python.
1986, le hard rock FM est roi, les chevelus, bardés de cuir noir et de clous déboulent et encerclent la scène rock du moment. Difficile d'échapper à Bon Jovi, Van Halen ou même Europe, la laque coule à flots et le fluo s'étale sans complexe en spandex !
Tapi dans son antre, enfin sobre, Alice Cooper sent que quelque chose a tourné, qu'il est temps de sortir du trou au fond duquel il s'est lui même enterré et de se joindre à la fête, les petits jeunes des années 80 vont alors découvrir une idole 70s qu'on a trop vite rangée au placard, vous allez voir ça. Il y a de quoi se réjouir, non ?

Ca commence avec "Teenage Frankenstein", le titre laisse présager le meilleur, l'orage gronde et...roulement de batterie, guitare stridente suivie d'un riff ultra calibré...j'ai dû faire erreur et lancer Bon Jovi...la voix ne laisse pourtant aucun doute, Alice Cooper vient d'embrasser le hard FM à pleine bouche (erk) et il compte bien le faire savoir dés le premier morceau. Le thème de Frankenstein a de quoi séduire, surtout qu'avec son côté "freak" rejeté de tous qui colle tout à fait à l'imaginaire qu'a développé Alice Cooper au fil des années. Mais, argh, pourquoi est-ce si difficile à écouter aujourd'hui ? Pourquoi cette batterie si appuyée (on dirait toujours que les fûts font 3m de haut dans les années 80) ? Pourquoi ce riff si bateau ? Pourquoi cette fin en fondu comme bon nombre des chansons de cet album ? Ca sent d'une part le manque d'inspiration, de l'autre, un opportunisme mal déguisé.
"Give it Up" ne viendra pas rassurer l'auditeur perdu en pleine orgie de clichés de l'époque, tout y est, encore cette maudite batterie increvable, ces riffs génériques, ce petit solo inoffensif. Les paroles n'apportent rien de plus, l'ironie mordante est partie boire un coup ailleurs.
Enfin un peu d'humour avec "Thrill my Gorilla", enfin de l'humour encore plus noyé sous les clichés si une telle chose était possible. A ce moment, je reconnais avoir commencé à avoir peur... Je veux dire, c'est bien de vivre avec son époque, mais la récupération des gimmicks les plus marquants d'un style afin de créer le produit le plus susceptible d'être vendu c'est douloureux à entendre chez un artiste qui jusqu'ici a su innover et marquer les esprits par une personnalité singulière. Ah et oui, ça finit en fondu, encore. C'est un détail, mais ça m'énerve sur cet album, vous l'aurez compris.
"Life and Death of the Party"... Les bières sont de sortie (pas pour Alice, c'est fini cette histoire), on va tous danser autour de la piscine au cours de cette soirée où tous les élèves les plus cool du lycée sont invités. Enfin c'est l'impression que ça donne quand on écoute ce morceau. Rien de particulier, toujours pas une trace d'originalité, on croirait une application soignée de tout ce qui marche à l'époque. Devinez comment finit le morceau ? Oui. Un Ƥµŧ@ǃƞ de fondu de ҧƐɌȸᶓ !

"Simple Disobedience" et son côté too much amuse un peu. La batterie de 3m de haut est de retour avec un peu de boîte à rythmes au passage, le riff est plutôt enlevé même si le morceau ressemble étrangement au "Fun It" de Queen en 1978. Ca marche quand même, mais on a été habitués à tellement plus inspiré. Cette fois il y a une vraie fin, appuyée par les choeurs musclés qui peuplent cette chanson pas très subtile mais efficace.
"The World Needs Guts" poursuit les hostilités à grand renforts de "hey you !". Le monde a besoin de tripes, il ne les trouvera pas dans ce nouveau morceau opportuniste. A sauver tout de même quelques solos, dont le dernier qui aurait gagné à ne pas être interrompu par un...fondu. Oui.
Si vous trouviez que ça manquait un peu de synthé, heureusement arrive "Trick Bag" chanson particulièrement rythmée qu'on imagine tout à fait en générique de fin d'un actionner oublié de 1986. C'est amusant, il y a un côté "Power of Love" quelque part et une basse sympathique qui aurait mérité un peu plus de place. La guitare de Kane Roberts n'est pas en reste et même si c'est très marqué par son époque, ça fonctionne.
"Crawlin'" s'écoule dans une relative indifférence malgré quelques touches d'humour pas spécialement fin. Encore un fondu, notez-le si vous faites le compte.
La chanson "The Great American Success Story" a un titre qui fait rêver. Un tel thème développé à une période plus faste du Coop aurait pu donner quelque chose d'énorme. Au final, le morceau ne sort pas vraiment du lot. Ajoutez 1 à votre compteur de fondus.
Aaaah ! "He's Back (The Man Behind the Mask)". Tirée du film "Friday the 13th Part VI: Jason Lives", la chanson déboule tous synthés dehors, se démarquant du reste de l'album nettement plus marqué par les guitares. Comme me le faisait remarquer un Hairy_Cornflake, on dirait un peu une musique de megadrive avant l'heure...et...comment vous dire. Les jeux de mots sont un peu nases, les synthés kitsch au possible...et...ah ce que j'essaie de vous dire c'est que c'est de loin mon morceau préféré de l'album ! De mauvais goût mais qui reste dans la tête pendant toute une journée après écoute, le genre que je peux réécouter de nombreuses fois sans savoir pourquoi ! Le thème du slasher movie est tout à fait dans le ton, Alice Cooper pouvait difficilement passer à côté du succès de ce cher Jason. (ajoutez quand même un point au compteur, ne perdons pas notre vigilance)

Alors oui, j'ai été très dur avec cet album. Beaucoup ont découvert Alice Cooper à cette période de renaissance. L'album "Constrictor" chez MCA se place en 1986 plutôt honnêtement dans les charts si on compare avec les précédents opus qui n'y figuraient même pas. Avec le retour de son maquillage noir, le chanteur réussit l'exploit de retrouver le devant de la scène tout en se faisant adopter par un nouveau public comme un membre majeur de cette scène métal FM en pleine explosion. Le coup est particulièrement habile. Si la fin justifie les moyens, aujourd'hui on regrettera le manque total de personnalité de cet album qui aurait très bien pu être publié par une autre rockstar de l'époque. Je termine sur une note positive en disant que "Constrictor" aura eu le mérite de remettre ma chère sorcière sur les rails, et ça, ça pardonne tous les fondus du monde.

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le 20 janv. 2014

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I-Reverend

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