Cet album paru en 1967 a été enregistré en 1963.
La musique de Sun Ra est, non seulement salvatrice, mais elle guérit les plaies de l’âme et de l’esprit. Au sens figuré ? Non au sens propre !
On rapporte l’anecdote suivante (« on » c’est Sun Ra, il aimait raconter cet épisode) : Alors que Sun Ra jouait dans un hôpital psychiatrique, une femme qui n’avait ni parlé, ni marché depuis plusieurs années se leva pour lui dire : « Vous appelez ça de la musique ? »
Le pouvoir guérisseur de la musique est donc une réalité ! Ayant foi dans ses pouvoirs, Sun Ra va donc les développer, plus particulièrement sur cet album. Voici donc les « sons cosmiques pour une thérapie mentale »…
La première face a été enregistrée quelques mois après les deux morceaux de la seconde. Elles sont cependant bien distinctes et remis dans un ordre conforme à la volonté de Sun Ra afin de respecter des impératifs artistiques.
« And Otherness » est sombre, grave un peu inquiétant. Joué en quartet, on y entend des instruments peu usuels, basse clarinette, hautbois, clavoline et batterie. Les motifs sont lancinants, répétés, bruitistes… Un sentiment inquiétant de malaise sonore s’installe, on n’ entend que le registre grave des instruments, sans agressivité cependant : Le mal est là !
« Thither and Yon » est particulièrement remarquable par les effets de réverbérations et d’écho qui l’habitent, on se croirait projeté une quinzaine d’années plus tard dans les explorations des musiciens de l’écurie ECM comme John Surman ou Jan Garbarek. Le Myth Science Arkestra est là, au grand complet. On nous propose ici un ailleurs cosmique et flottant : La douleur est apaisée.
Adventure-Equation garde toute la gravité de And Otherness, mais semble plus apaisée et prend la forme, comme souvent avec Sun Ra, d’un voyage qui nous emporte et nous guide au rythme des percussions. La basse Clarinette de John Gilmore se déploie avec douceur et explore les contrées qui s’offrent en de paisibles paysages, comme un baume réparateur : C’est la guérison !
Sur la seconde face, « Moon Dance » est jouée par un trio formé de Ronnie Boykins à la basse, C. Jarvis aux percussions et Sun Ra à l’Astro Space Organ. La ligne de basse est imperturbable, funky, les percussions bruissent, foisonnent, occupent l’espace, Sun Ra s’insère dans cette débauche rythmique très syncopée et nous offre une des plus belles musiques qui soit, terriblement actuel.
« Voice of Space » – Ces voix de l’espaces sont célestes et aériennes, en quatuor Ronnie Boykins fait vibrer son archet, Danny Davis gravite avec son alto autour de l’orgue céleste pendant que John Gilmore improvise aux percussions. L’espace s’emplit de sons, de bruits, de rythmes qui naissent soudainement, évoluent, se déplacent et disparaissent, remplacés par d’autres, rythmiques, percussifs, tenus, tendus…
La musique psychédélique, le Krautrock et l’acid-jazz sont venus, c’est certain, s’abreuver à la source Sun Ra, shaman, guérisseur et visionnaire, c’est un grand thérapeute à n’en point douter.
Ce disque n’a pas pris une ride, mais n’est pas de première accessibilité, il réservera quelques surprises aux curieux et saura se faire aimer.
Écrit en 2012