Nombreux ont dû être les metteurs en scène ayant rêvé, en écoutant Mezzanine ou Protection, d'offrir leurs images aux méandres enfumés de la musique puissamment évocatrice de Massive Attack. Aucun ne les avait convaincus jusqu'alors, mais Besson a réussi, comme il l'avait fait avec Archive pour Michel Vaillant ? le deal a peut-être été directement bouclé avec le fisc britannique. Car Danny the Dog semble avoir été réalisé le cœur et la tête à l'économie, l'inspiration en pilote automatique. Pas indigne, mais manquant singulièrement d'investissement et de personnalité, ce pur travail de commande cosigné par 3D et son fidèle producteur Neil Davidge ne devra pas être compté dans la discographie exemplaire du groupe, mais être considéré pour ce qu'il est : une collection assez inégale d'illustrations sonores. Parce que le film est un blockbuster, il aura une BO ad hoc : les crêtes et bosses vertigineuses qui rendent habituellement la musique de Massive Attack si habitée, si indomptable, sont ici quelque peu aplaties par un simplisme parfois rédhibitoire. Le travail laborantin de 3D, jadis bourré de germes et de virus, est ici plus clinique, tristement propret. Les Bristoliens accumulent régulièrement les arrangements passe-partout, les motifs insipides : ce piège-cliché de la BO dans lequel on ne les imaginait pas se prendre les pieds. Encore en production, le seul morceau chanté de la bande originale, qui invite RZA, n'est pour l'instant même pas inclus au disque. En attendant, c'est seulement lorsque 3D s'attaque à un son plus rauque et brutal (Atta Boy, Simple Rules, On Thought at the Time?) ou lorsqu'il réussit à accoucher de vrais morceaux (Montage) qu'il retrouve un peu de ses couleurs sombres et passionnantes.(inrocks)
Magie du cinéma, Massive Attack (ou plutôt ce qu'il en reste), "le groupe qui a révolutionné la musique des années 90" (et pour une fois le slogan ne ment pas) signe une bande originale de film pour une production de Luc Besson, l'homme qui a révolutionné l'industrie cinématographique française... Le même Luc Besson a perdu un procès contre le quotidien Libération qui avait vu dans son Fanfan La Tulipe du racisme anti-allemand mais a gagné contre une marque de téléphonie qui avait repompé Le Cinquième Élément (où un certain Tricky faisait une apparition, tiens...) en publicité : sacrilège ! Et Massive Attack dans tout ça ? Ben justement, en réalité, il ne s'agit plus que de 3D (Robert Del Naja pour l'état civil), secondé par son ingénieur du son Neil Davidge, soit le tandem responsable (hélas !) de 100th Window, dernier album en date. Le film Danny The Dog, réalisé par le dénommé Louis Leterrier (ça ne s'invente pas) après son précédent Le Transporteur, ne sortira qu'en février 2005. Sans même évoquer son scénario hérité de Léon, à la seule aune de sa musique, entre habillage néo-classique et "new-wave" pseudo torturée sous emballage électronique avec un peu de gamelan pour la touche asiatique, inutile de se presser, sauf pour les fans de RZA, puisque le maître du Wu-Tang Clan, absent ici, signera le générique. Mais comment le collectif à l'origine du fondateur Blue Lines voici quinze ans s'est-il autant délité ? 3D, rancunier jusqu'à la moelle, était-il si vexé d'avoir été embauché après Archive pour Michel Vaillant au point de livrer des chutes de studio ? Et que devient Éric Serra ? Daddy G, l'alter ego de 3D, membre de Massive Attack quand il le faut, s'est fendu d'un Dj-Kicks qui sort en même temps que cette BOF : sans présumer de son contenu, ledit mix vieillira mieux. Pour paraphraser la soirée de Laurent Garnier au Rex Club, Danny The Dog ? "Bollocks!" (Magic)