Danzig II: Lucifuge
7.5
Danzig II: Lucifuge

Album de Danzig (1990)

Chapitre DCCLXXVII Dans le Grand Grimoire du Rock.

Etant consciencieux, je suis allé chercher un peu et voici la définition de "Lucifuge" : "Se dit des animaux qui fuient la lumière". C'est déjà bien pour se faire une idée de la bête qui porte le nom de Danzig. En poussant un peu plus j'ai vu que Lucifuge Rocofale était également le nom d'un démon, ministre des Enfers, spécialiste des contrats avec les simples mortels qui osent l'invoquer. Alors là tout prend son sens, on pense à Howlin' Wolf et surtout Robert Johnson, anti-saints patrons du blues réputés pour avoir échangé leur âme contre cette musique diabolique. L'album qui porte le nom de "Danzig II : Lucifuge" (et qui présente sur ma version une photo en noir et blanc du torse velu et orné d'une croix inversée du chanteur body-buildé) c'est exactement ça : un retour aux racines démoniaques du metal, du rock, et donc du blues.
Là ou "Danzig" premier du nom pose les bases mais hésite encore entre les voies à prendre au fameux "Crossroad", "Danzig II", met fin aux tergiversations. Danzig et son groupe plongent dans les eaux noires du Delta pour en remuer la boue où se cachent quelques somptueuses pépites.


Les hostilités s'ouvrent avec le titre "Long Way Back From Hell", titre évocateur qui laisse peu de place au doute. L'un des morceau les plus heavy d'un album tout en mid ou même low tempo. Si "Danzig" avait ses moments speed, ici on n'est plus dans le métal qui décoiffe. Tout sera en colère contenue, en puissance sûre d'elle qui s'engage sur les chemins du doom déjà balisés par le meilleur de Black Sabbath. "Long Way..." effectue son rôle de transition entre les restes de Misfits et la noirceur plus "roots" de cet album.
"Snakes of Christ" et son lot de récriminations envers la perversion du message christique a déjà les pieds dans la boue du Mississipi. Danzig accusera les Stone Temple Pilots de l'avoir pillé le riff principal pour leur "Sex Type Thing" mais il oublie un peu qu'il puise lui même dans le "Lucifer Sam" de Pink Floyd, entre autres incarnation de ce riff immortel. Lucifer hein ? Je vous disais que tout prenait sens.
"Killer Wolf" cligne de l'oeil en direction de ce cher Howlin' Wolf bien-sûr avec son ancrage définitivement blues, sa sexualité menaçante et dévorante. La bave aux lèvres, Danzig impose sa voix qui alterne cris gutturaux et clarté impérieuse de la même façon que les guitares se font distordues ou accoustiques selon les morceaux. Le personnage fascine et menace tout autant qu'il séduit et même, émeut.
"Tired of Being Alive" renoue un peu avec un heavy-metal en mid-tempo sur des paroles d'une noirceur absolue où parlent le sexe, le mal et la religion sur fond de déception amoureuse. La performance vocale est encore une fois impressionnante mais c'est avec le morceau suivant qu'elle trouve sa plus belle expression à mon sens.
"I'm the One" est ce qu'on pourrait qualifier de blues le plus noir du Delta. Mèlant les schémas les plus classiques du genre avec cette guitare sèche à vous faire saigner l'âme, des couplets où le diable est une meute de loups ou une femme aux cheveux noirs et cette voix ! Elvis et Jim Morrison semblent s'être penchés sur le berceau du petit démon Danzig peu après sa naissance pour leur donner un peu de leur héritage sans doute acquis une nuit sans lune aux abords d'un croisement, vers minuit. Un joyau.
L'album poursuit sa descente avec le superbe "Her Black Wings" où comme le suggère le titre il n'est pas question de choses très réjouissantes puis avec le plus énervé "Devil's Plaything" où éclate un peu de la colère contenue jusqu'à présent. Le morceau est assez typique de Danzig, moins bluesy certes, mais emprunt d'une puissance rare et contagieuse, du genre qui vous donne envie de la jouer biker en allant déclancher une bagarre dans le premier bar venu.
Arrive alors "777", le point culminant de l'album où la colère accumulée finit par exploser pour de bon. "Devil's Plaything" avait donné un avant goût mais là c'est un orage d'Armageddon qui se met à tonner. L'alchimie blues/metal est superbe, Danzig achève sa transformation en loup pour livrer un chant majesteux puis bestial d'une impressionnante maîtrise. On l'imagine maudire la terre entière, hurlant à la lune alors que tombent les éclairs. "777" c'est encore plus fort que 666 !
"Blood and Tears" arrive à point nommé pour calmer les esprits. Malgé une sinistre atmosphère, le titre permet au chanteur de déclamer son amour pour les grands chanteurs des années 50, Roy Orbison en tête, dont il adopte sans difficulté apparente la voix de crooner, soyeuse et prête vous fendre le coeur, si vous en avez un. Ce qui est beau, c'est qu'il ne s'agit pas du tout d'un exercice de style, Danzig l'interprête au premier degré, comme un garant de cet héritage avec une déconcertante sincérité. Ce qui est beau aussi, c'est qu'avec cette voix, Glenn Danzig aurait pu évoluer dans un style nettement plus grand public et peut-être bénéficier d'un tout autre aura. Mais non, les ténèbres l'ont choisi et il ne s'est pas fait prier pour les épouser.
"Girl" vient nous rappeler que c'est quand même de rock qu'il s'agit, l'esprit de Jim Morrison plane plus que jamais sur ce morceau où il est question de tentation et encore une fois de sexe.

La conclusion est assurée par le retour dans les ténèbres les plus absolues à travers le morceau "Pain to the World" plus Black Sabbath que jamais, un Black Sabbath du Mississipi bien-sûr, ce qui sur le papier est pour moi l'une des choses les plus alléchantes qui soient. Tout est en place pour une fin apocalyptique du plus bel effet.


 Produit par Rick Rubin, "Lucifuge" est une splendeur, autant le dire je ne m'en lasse jamais. Tout est à sa place, rien en trop, rien ne manque. La voix de Danzig est l'une des plus belles que le rock m'ait permis d'entendre, la guitare de John Christ (quel nom !) est vénéneuse à souhait, la basse de Eerie Von (quel nom !) plonge dans des abîmes infinis pour vous prendre le bide comme il faut tandis que la batterie un peu en retrait de Chuck Biscuits (quel nom... euh un peu mignon) marque le tout au fer rouge. C'est le genre d'album que je ne peux que recommander à quiconque aime le rock, dans sa plus simple et sa plus noire expression, sans fioritures,  avec un supplément de testostérone mais surtout de l'âme à en revendre.

Pour résumer, cet album est un faire-part pour le mariage d'Elvis avec Black Sabbath, la cérémonie se déroulera dans le Bayou le plus secret, le repas sera un barbecue où cuiront les plus belles pièces de viande rouge sélectionnées par le plus connaisseur des loup-garous, arrosé du meilleur des vieux bourbons et vous y verrez les plus sexy demoiselles d'honneur qui se soient jamais échappées de l'Enfer. N'allez pas me dire que vous refusez l'invitation !

Créée

le 11 août 2013

Modifiée

le 11 août 2013

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