En décidant de porter bien haut le flambeau du folk britannique dans les contrées encombrées et arides des musiques électroniques, Beth Orton n'a certes pas choisi la facilité. Au fil des collaborations multiples (Red Snapper, The Chemical Brothers...), elle aurait pu, comme d'autres avant elles, perdre le fil d'Ariane de son labyrinthe intime, et sacrifier involontairement son univers personnel à force de se faire le porte-voix d'autres musiciens, pas forcément plus doués qu'elle. Qu'on se rassure : Beth Orton ne s'est pas transformée en Liz Fraser ou en Tracey Thorn du XXIe siècle. Ce troisième album, de très loin son meilleur, lui permet de mettre les choses au point. Orton n'est pas qu'une interprète chic et douée. En songwriter accomplie, cette digne héritière de Carole King ou de Ricky Lee Jones parvient à glisser dans le plus évident des formats pop un discours adulte et passionnant. Que ce soit seule, en compagnie de Ryan Adams, qui justifie enfin sa présence sur cette terre, ou adoubée par Emmylou Harris, gardienne magnifique du temple parsonsien, Orton excelle plus que jamais dans cet art qui consiste à mêler avec délicatesse aux orchestrations folk traditionnelles les pulsations électroniques les plus subtiles. Ce qui n'est chez tant d'autres qu'une greffe mal prise, un gadget inutile ou une ornementation de façade est devenue chez elle un véritable style, une vibration nichée au coeur de la musique. Et ce n'est pas un hasard si l'on retrouve Ben Watt aux commandes de cet album, tant Concrete Sky ou Anywhere rappellent les meilleurs moments des derniers Everything But The Girl, pour cette façon de faire couler les larmes sur les dancefloors. Réussite majeure, le bien nommé Daybreaker possède la luminosité délicate et le charme si particulier des aubes estivales.(Magic)