Déjà décrit par son auteur comme le point d’aboutissement de la démarche amorcée en solitaire depuis cinq ans, ce cinquième album de Loney Dear n’est pas tout à fait le chef-d’œuvre annoncé. Mais presque. Désormais émancipé des règles trop restrictives du folk délicat auquel il nous avait accoutumé, Emil Svanängen, toujours seul au commande, est parvenu à combiner la mélancolie subtile de ses débuts avec des sonorités inédites et plus amples, orchestrales ou électroniques. Dévoilant d’entrée de jeu l’un de ses atouts majeurs, il démarre sur les chapeaux de roue avec Airport Surroundings, très grande chanson pop où une mélodie ascensionnelle s’enroule autour d’une rythmique métronomique tout droit sortie d’un album de Neu!… Dans la lignée de cette première escapade vers les cimes, s’enchaînent alors quelques moments de grâce (I Was Only Going Out, Harsh Words). Le modèle des chansons reste souvent le même : de lents crescendos gagnés peu à peu par une intensité fiévreuse et qui finissent par culminer en une apothéose orgastique. Mais Loney Dear évite tout risque de redondance en modulant à bon escient les atmosphères musicales, entre tonalités organiques (dont celles du violon d’Andrew Bird sur I Got Lost) et pulsations synthétiques inattendues. Surtout, malgré son passé de cycliste professionnel, le Suédois s’est judicieusement abstenu de doper ses compositions mélancoliques à coup d’émotions forcées et outrancières. Souvent plaintive, jamais geignarde, sa voix haut perchée se livre avec retenue. Dans ce contexte très relevé, les rares longueurs et la seule vraie faute de goût (Harm/Slow et sa mélodie inutilement empruntée à l’Adagio d’Albinoni) passent presque inaperçues. Globalement, les prises de risques et les tentatives d’hybridation s’avèrent largement payantes. (Magic)
Voici un artiste bien difficile à appréhender : une voix que je qualifierais de quelconque, un son qui n'a rien de révolutionnaire, et pourtant, le Suédois a toujours su trouver la formule qui touche, le zeste de différence qui fait mouche. Oui, on pourrait parler d'un "toucher" à la Loney dear : une musique anodine, des mélodies honorables mais pas transcendantes, dont l'intérêt réside dans le fait qu'elles finissent immanquablement par être frappées d'une originalité enveloppante - à nouveau difficile à définir - qui donne aux morceaux une étonnante texture organique. Peut-être est-ce aux moments des arrangements qu'Emil sort son épingle du jeu. Muni de son fidèle multipiste, le roi du tricot fait preuve d'une aisance toute particulière pour tisser ses chansons à la façon d'un patchwork. Ce n'est qu'une fois raccommodés les uns aux autres que les petits bouts d'étoffes vocales (la manière dont il superpose ses choeurs sur sa voix de falsetto – sauf sur la très inspirée "Everything Turns to You" où il utilise également un timbre grave - est sans conteste l'un de ses atouts majeurs) et instrumentales trouvent tout leur sens. Et comme Emil se livre, l'air de rien, au même modus operandi depuis qu'il nous est donné de le connaître, on ne peut vraisemblablement pas parler d'un coup de chance isolé, mais bien d'un talent confirmé. Quand on pénètre ses orchestrations, on constate qu'il a saupoudré ça et là des étrangetés qu'il s'amuse à nous faire récolter, une chasse aux oeufs d'or qui écarte insidieusement l'auditeur des sentiers balisés qu'il pensait naïvement emprunter au départ du jeu de piste, dont on ne sort pas pour autant. Ce qu'il est joueur cet Emil, avec ses poches bondées de surprises en tout genre. "Dear John", la cinquième pièce du puzzle, comme il dit, confirme son penchant pour la fausse banalité. Une fois de plus, il apparaît là où on ne l'attend pas : au beau milieu d'une fanfare (que l'on retrouve sur le finale salutaire de "Dear John") ; en train de léviter quelque part entre des arpèges de guitares et ses propres choeurs multidirectionnels ; errant dans une mélancolie léchée de cordes frottées, en l'occurrence celles d'Andrew Bird, venu lui prêter main forte sur "I Got Lost". Mais ce qui frappe avant tout sur ce nouvel opus, c'est cette couleur sépia presque orangée qui transparaît un peu partout, laquelle trouve son origine ici : un synthétiseur au son profondément eighties qui apporte une patine plutôt agréable dans l'ensemble - et particulièrement sur "Harsh Words", "Summers" et "Distant Lights" (on croirait presque entendre l'écho de Thom Yorke en toile de fond) , ainsi qu'un rythme plus soutenu que sur les précédents essais, ce qui n'est pas pour déplaire non plus. Néanmoins, de cette mouvance électro ne jaillit pas que de bonnes choses : "Under a Silent Sea", par exemple, n'est certes guère mise en valeur par l'effet métallique de la voix, l'espèce de techno, osons le dire, ringarde, et les violons de synthèse qui viennent "habiller" son épilogue - allez, les dernières secondes sont tout de même sympas. Mais un album du sieur Svanängen se veut d'être apprécié dans son ensemble, et avec un départ en trombe sur une rampe de lancement comme "Airport Surroundings", et toutes les jolies choses qui suivent dans son sillage, ce n'est pas un ou deux trous d'air qui pourraient faire tanguer la belle entreprise "Dear John".(Popnews)
Quelque part en Suède, un homme a eu l’idée de laisser de côté le cyclisme pour la musique. Emil Svanängen a eu une sage idée ce jour là, car il devint l’un des multi-instrumentalistes les plus talentueux de sa génération. Auteur déjà de quatre albums qui ont vu le jour à presque une année d’intervalle à chaque fois depuis 2003, le suédois nous envoie en pleine figure du bonheur, de la fraîcheur, des titres indispensables, comme un magicien saupoudrerait ses spectateurs médusés d’une poussière secrète. Le jeune Emil s’est nourri de bien des influences, pour en arriver à ce résultat à chaque reprise : un disque exceptionnel, réfléchi, maîtrisé musicalement, et ambitieux. "Dear John", censé clôturer l’aventure d’ Emil sous le nom de Loney Dear, est donc de cette veine là. Avec des orchestrations toujours aussi raffinées, ce disque est une machine à rebrousser les poils et à tirer les larmes les plus profondément enfouies. Avec délicatesse, ingéniosité et talent, Emil accouche de quelques chefs d’œuvre calibrés comme le très sautillant Airport Surroundings, ou tambour battants Everything Turns To You. Alliant avec perfection des phases de balades, et des montées en puissances cuivrées ou électroniques, "Dear John" est un vrai plaisir intense de bout en bout. Avec quelques futurs tubes comme Under A Silent Sea, Summers, Distant Lights, et le final éponyme Dear John, l’album atteint des sommets d’intelligence et d’harmonie. Nous retiendrons de l’œuvre de Loney Dear un superbe tableau composé de cinq couleurs, tantôt chaleureuses, tantôt tristes, parfois pastelles, parfois crues, par moments pétillantes et brillantes, quelques fois cuivrées et discrètes. Nous retiendrons un incroyable talent, qui semble ne pas encore avoir été exploité à son maximum. D’ailleurs avec le titre de fin de Dear John, Emil signe une belle histoire, mais laisse une porte grande ouverte vers d’autres horizons toujours aussi palpitants.(indiepoprock)