Il y avait de vieux CD, pour la plupart avec un boîtier cassé, rayé ou en mauvais état, voire inexistant, qui traînaient dans le salon, empilés dans la tour prévue à cet effet. Chanson française, popstars oubliées, compilations bon marché, et des trucs plus improbables. Et puis, quelques albums qui sortaient du lot. Ma mère avait acquis, en traînant dans les rayons disquaire des supermarchés, où Michel Delpech et Depeche Mode sont voisins, quelques souvenirs musicaux de son adolescence : AC/DC, Deep Purple, Black Sabbath, et Jean Passe (pour le dernier, je ne suis pas sûr).
Le temps passe, la poussière s’installe avec ses valises et n’a pas franchement envie de bouger. Elle a trouvé un endroit sombre, sec et à l’abri de la lumière. Maman-Poussière a bien l’intention d’élever ses enfants-Poussière dans ce cadre idéal. Ils pourront faire des études d’attentologie, car la poussière ne sait faire que ça : attendre.
Et puis un jour, le drame. Un ado prend le CD et souffle dessus. Maman-Poussière et ses enfants se retrouvent séparés... à jamais.
Comprenez que l’ado, c’était moi, et j’avais bien envie de connaître les groupes que ma mère écoutait à mon âge (à l’époque, hein, j’ai grandi depuis). Alors, commençons par le CD qui m’intrigue le plus (tout est une affaire de pochette). Le mont Rushmore avec la trogne de cinq hardos. Un gros titre noir : DEEP PURPLE IN ROCK. Comme tout le monde, je connais le violet profond par « la fumée sur les water ». Mais rien de plus. Alors, j’insère le disque dans la chaîne Hi-Fi, histoire de voir si c’est aussi bien que sa réputation le dit. Le son arrive. BAM ! Larsen, tout le bordel et compagnie. L’album est une tuerie. Fin.
Pour celles et ceux qui ne seraient pas convaincus :
Pour celles et ceux qui ne seraient pas convaincus :
L’album s’ouvre sur un déluge de larsens gras et bien crades, mais pourtant si bien calculés, si bien dosés. Guitare, batterie, lame de rasoir et douche froide. Puis vient l'orgue, tout doux, tout mielleux, et enfin la chanson commence : Speed King. Tout y est. Ce n’est pas celle que je préfère, mais aucune autre chanson n’aurait pu mieux ouvrir l’album, avec ses références au rock’n’roll de Little Richard.
Puis vient ma chouchoute : Bloodsucker, d’une efficacité à faire headbanger un lapin mort écrasé sur le bord de la route. Des questions-réponses entre solos de guitare et d’orgue. Des silences où Gillan nous hurle dessus (alors qu’on n’a rien fait, il est fou ce mec !).
D’ailleurs, parlons de ce chanteur, Ian Gillan (que je place bien au-dessus du Bébert Plant. Jetez-moi des cailloux si ça vous chante, mais pas des trop gros, ça fait mal. Quoique, même des petits, ça peut rentrer dans l’œil et faire mal aussi… Alors, ne faites rien, ou faites semblant !). Child in Time. Juste, Child in Time. Point, c’est tout. Le genre de morceau qui me fait dire « putain, mais cette chanson, bordel ! » (je sais, si on analyse cette phrase, elle n’a pas beaucoup de sens). Le genre de chanson que je voudrais en BO si je réalisais un film, ou que je voudrais en BO de tous les films que j’aime, tellement il y a d’émotion qui en ressort. La voix de Gillan, belle au possible, l’orgue et la guitare qui viennent nous exploser les oreilles au bon moment, une batterie efficace, et cette basse de Glover, discrète, simple, mais Whaooo… (Je ne finirai pas cette phrase, vous avez compris).
Vous pigez le topo, j’aime cet album. Le premier de Deep Purple que j’ai écouté. Et si ma mère ne l’avait pas acheté au détour d’une allée de supermarché où Deep Purple se trouve entre Michel Delpech et Depeche Mode, je serais passé à côté de ce monument qui m’accompagne depuis plus de dix ans. C’est pourquoi je voudrais qu’on ajoute la tête de ma mère sur le mont Rushmore.