Delìrium Còrdia
7.3
Delìrium Còrdia

Album de Fantômas (2004)

Il existe des O.S.T. d'un peu tout, de films bien-sûr, de séries, de dessins animés, de jeux-vidéo, d'émissions, etc. Mais avions nous déjà eu la chance de connaître une B.O d'opération chirurgicale ? Avec "Delìrium Còrdia" c'est chose faite. Si vous êtes un tant soi peu familier avec Mike Patton en dehors de Faith No More, vous ne serez pas surpris d'apprendre qu'il s'agit là d'un concept album de type expérimental. Mr Bungle donne de sérieux indices sur la vision éclatée que Patton peut avoir de la musique. Pourtant à côté du projet Fantômas, Mr Bungle est un groupe relativement ordinaire (pourtant hein).

Fantômas est bâti sur les cendres pas tout à fait froides de Faith No More puisque leurs existences se chevauchent légèrement. Il s'agit d'un des projets les plus prolifiques de Mike Patton avec Tomahawk en raison du nombre d'albums publiés sous ce nom. Fantômas est composé de vétérans, Buzz Osborne des Melvins, Trevor Dunn rescapé de Mr Bungle mais aussi mercenaire chez Tomahawk et présent avec les Melvins et de Dave Lombardo vaguement connu comme batteur dans un des groupes les plus confidentiels du thrash-metal à savoir Slayer. Malgré tout ne vous attendez pas à un album de métal composé de morceaux énervés et puissants, niet : Fantômas c'est du concept avant tout. Le premier "Fantômas" a pour thème les comics, mais se montre surtout bruitiste, dadaïste sur les bords, et destructuré. Le suivant, "The Director's Cut" est nettement plus abordable puisque, sur le thème du cinéma, il livre des versions très personnelles de musiques de films (sombres) allant du "Godfather" à "Cape Fear" en passant par "Rosemary's Baby". En ce qui concerne notre "Delìrium Còrdia" c'est une autre histoire.

L'idée est celle d'une opération chirurgicale comme le souligne la superbe couverture sous boîtier en plastique sombre et son inquiétant chirurgien. En 74 minutes et quelques, on assiste donc à une intervention sans anésthésie, du premier coup de scalpel à la suture. 74 minutes pour un unique morceau (en réalité il y a 20 minutes de bruits de platine qui tourne jusqu'à la fin du disque) retranscrivant les différentes étapes de l'acte chirurgical. Le concept est inspiré de l'ouvrage du photographe Max Aguilera-Hellweg "The Sacred Heart: An Atlas Of The Body Seen Through Invasive Surgery", qui consiste en une série de photos d'opérations réelles, très explicites mais présentées d'une façon inédite, mises en valeur par une lumière ténue et une maîtrise artistique tout à fait différente de celle de l'imagerie médicale. Certaines de ces photos illustrent le livret, elles constituent en somme les représentations les plus intimes qu'on puisse faire d'un corps humain. A ne pas mettre entre toutes les mains c'est sûr, même si c'est également fascinant. Et c'est exactement ça cet album. Plusieurs styles musicaux, du métal, de la musique "tribale", un peu de jazz, de l'ambiant et du piano, voici les différents organes et les différentes substances contenues par le corps musical. On y retrouve certaines des ambiances de Mr Bungle comme celles de "Holy Filament" sur "California" ou "The Bends" sur le fantastique "Disco Volante" par exemple. Parsemé de bruits d'ambiances, de voix des médecins, de râles, de cloches, de bips, l'album évolue d'un stade à l'autre par petites touches. On passe par des moments d'un calme presque serein avant de revenir à un chaos sous haute tension. On se sent partir au son des cloches, appelé par la lumière alors que s'activent les infirmières armées du défibrilateur (ce passage est particulièrement réussi il faut dire). Par moments c'est presque insoutenable, on préfère ne pas deviner à quoi correspond le bruit d'instruments métalliques sur une surface dure (de l'os ?), tandis qu'ensuite on se sent bercé par la voix de Mike Patton, presque lyrique avant la prochaine incision. Là la voix devient vrille, perçeuse ou scie, encore une fois il ne vaut peut-être pas regarder derrière le voile du champ stérile, en priant pour qu'il y ait bien une stérilisation d'ailleurs. On passe par des délires, sans doute un moyen d'échapper à la douleur, avec une basse jazzy, un chant étrangement désinvolte toujours inintelligible, puis, on croit s'en sortir quand survient la conclusion bien plus lourde, avec un retour en force du métal comme une pulsation impitoyable avant la fin.

C'est difficile à décrire, si le long morceau comporte tout de même des segments, ils ne sont pas vraiment distincts et les impressions se mèlent les unes aux autres teintées du même rouge sang. La maîtrise est cependant parfaite et à aucun moment on n'a l'impression d'écouter un album brouillon. Les clamps restent bien en place, la précision touche à la minutie, on est parfois au bord de l'accident mais à l'instar des photos du livret, on peut se surprendre à être fasciné et même à trouver ça beau.

Il est évident que cet album n'a pas pour vocation de toucher le grand public, il n'est pas évident à aborder même pour l'oreille avertie. Ceux qui connaissent Mr Bungle auront l'occasion de se retrouver parfois en terrain connu mais Fantômas pousse les choses encore plus loin. "Delìrium Còrdia" dissèque la musique, il en examine les organes et ne les remet pas tout à fait à la même place. Pourtant, et malgré un aspect abrupt, abscond même, malgré un concept pour le moins curieux, l'album surprend car il s'écoute étrangement bien. L'ambiance est sombre, glauque et angoissante, mais si on se laisse porter, aidé par un début particulièrement immergeant et réussi, l'album est particulièrement prenant et addictif. Il faut donc prendre l'album avec des pincettes, ne s'y atteler que si on en a réellement envie. Si on est attiré par Fantômas, il peut-être bon de débuter avec "The Director's Cut" qui est une bonne introductions aux ambiances du groupe mais avec le côté rassurant des musiques de films plutôt célèbres avant de se plonger dans cet album au bistouri. A noter que l'album suivant, "Suspended Animation" se place sur le thème des cartoons (mais on ne va pas beaucoup rigoler soyez rassurés) et emprunte une forme totalement opposée puisqu'il propose 30 morceaux très courts(un par jour du mois d'avril en fait) et particulièrement contrastés y compris au sein de compositions durant parfois moins d'une minute.
C'est bon, vous pourrez regagner votre chambre, juste le temps de changer la perfusion.
I-Reverend
9
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le 23 sept. 2013

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le 23 sept. 2013

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I-Reverend

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