Devoted
Devoted

Album de Josh Haden (2007)

Ah ah ! Quel rigolo ce Josh Haden ! Au vu de son atroce pochette néo-gothique où on le voit en pleine séance de spiritisme mondain, on est en droit d'imaginer deux possibilités : 1) le bassiste et chanteur de Spain nous offre un subtil hommage à l'humour second degré du grand poète Bézu, disparu récemment, et nous propose un album festif ;2) la politesse du désespoir le pousse à masquer sa sensibilité derrière un habillage kitschissime. Rassure-toi, ami lecteur, une écoute, même rapide, de l'album, permet de retenir cette deuxième hypothèse, et on s'en serait douté avant : déjà sur "The Blue Moods of Spain" Haden affirmait "Love is my only devotion", et le prouvait sur neuf titres lumineux. En solo, il fait semblant de brouiller les cartes – en fait de solo, on le trouve bien entouré : Merlo Podlewski, de Spain, à la guitare, et Dan the Automator à la production sur tout l'album, mais Haden reste sur ses fondamentaux : maniaque précision instrumentale et langueur d'une voix pourtant méticuleusement ajustée. Sur "She Haunts My Dreams", à mon avis le chef-d'oeuvre du groupe, ce principe baudelairien adapté à la musique (rigidité de la forme mais poésie vivace), générait une émotion et une beauté éblouissantes. Réécoutez les lumineux "Nobody Has to Know" et "Every Time I Try" pour vous en refaire une idée. Sur "Devoted", donc, on retrouve ces mêmes recettes avec bonheur, mais le recyclage a fait son oeuvre, et l'émotion n'est pas aussi flagrante, aussi évidente, que sur les albums de Spain. Certes, la production est millimétrée, les morceaux très équilibrés aussi, mais ils se contentent d'un tempo tranquille qui n'ose pas la lenteur profonde et tragique d'un "Ray of Light", et ne laissent pas forcément la place aux lignes claires de guitare ou de piano de "Untitled #1".
Pour ce qui est des paroles, on se doutait bien que parler d'amour à longueur d'albums et de façon universelle était assez casse-gueule ; à cet égard, l'ami Josh était suffisamment hanté pour pouvoir chanter sincèrement "Our love is gonna live forever" sans sombrer dans le ridicule total. Ici, point de ridicule, mais des paroles pas toujours inspirées : "Only love / From above / Can set you free" (sur "Discontent") ou encore "But true love / Really changes everything" (sur "Broken Heart"). Bon, ne soyons pas mesquin. Même si l'on peut reprocher à Haden fils de tourner un peu en roue libre, et de ne pas avoir attendu toute l'inspiration dont on le sait porteur, "Devoted" reste l'album d'un grand chanteur de soul qui s'ignore, très bien ficelé, et agrémenté en sus des arrangements subtils de Kid Koala sur les trois morceaux finaux – une raison, parmi quelques unes, d'y jeter une oreille.(Popnews)

bisca
7
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le 28 mars 2022

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