Bobby Hutcherson - Dialogue (1965)
Attention voici un disque un peu hors norme, le genre qui ne vous lâche pas vite quand vous y entrez, dites-le vous bien avant d’aller plus loin, il pourrait vous inciter à bouleverser votre emploi du temps, vous faire reculer votre jogging matinal pour écouter un brin, et puis vous voilà collé à la machine, et quand vous vous décidez à partir, vous ne faites pas attention, tout à la joie de la découverte, pour peu que vous ne connaissiez pas le missile, et pan ! Dans les dents ! Y’a des jours comme ça…
Ça y est ? vous êtes revenu du jogging ? Allez, les présentations, Bobby Hutcherson, vingt-quatre ans, vibraphoniste et marimba, leader ici, Freddie Hubbard à la trompette, Sam Rivers au saxophone ténor et soprano, flûte et basse clarinette, mais il ne fait pas la cuisine ici, Andrew Hill, pianiste et compositeur de trois pièces dont le titre d’ouverture « Catta », et « Les Noirs Marchent » ainsi que « Ghetto Lights », Richard Davis à la basse et Joe Chambers, vingt-deux ans, à la batterie, compositeur également, « Idle While » et « Dialogue » qui est également le titre de l’album.
Ça y est, vous avez écouté «Catta» ? Un monument c’est sûr, sur un titre comme ça on comprend la stature et la véritable dimension d’Andrew Hill, il nous envoie dans un tourbillon grisant et nous fait tourner, tourner, dans une danse folle qui nous laisse étourdi.
Pour se remettre « Idle While », jeu de mot avec l’ancien nom de l’aéroport de New York « Idlewild », une pièce soft et aérienne, ça tombe bien, flûte et basse se croisent et s’entremêlent, juste ce qu’il faut pour se remettre du morceau précédent.
« Les noirs marchent », en français dans le titre, ça ressemble à une marche, avec quelques appels martiaux, mais rien n’est organisé, en apparence, malgré les appels des tambours c’est le free qui domine, les noirs marchent et ils grouillent, ça vient de partout !
Voici la question qui m’agite: Où se trouve le leadership de Bobby Hutcherson ? Pas de compositions signées par lui, pas d’emprise apparente dans la direction musicale, ça ressemble plutôt à une réunion de musiciens surdoués qui mettent en commun le meilleur d’eux-mêmes, comme si l’égo avait glissé dans les chaussettes…
La dernière pièce « Ghetto Lights » avec ses accents blues, le magnifique solo de trompette bouchée de Freddie Hubbard et le soprano de Sam Rivers est une conclusion splendide à ce bel album, où Bobby Hutcherson a su se fondre dans l’élément groupe avec beaucoup de talent, c’est peut-être au cœur de ce morceau qu’il nous livre son plus beau solo, quelque chose qui ressemble à un must have de chez Blue Note, il se trouve que le mien est en mono et, par chance, ça n’empêche pas d’écouter en duo.