Souvent donnés pour mort, les grognards de Primal Scream ont réussi cet exploit unique pour un groupe de pop-music : être nettement plus intéressant, audacieux et vivant après vingt années de carrière qu'à leurs débuts. Car depuis 86, Primal Scream est passé par toutes les étapes, tous les triomphes et toutes les infamies.
Groupe antiquaire pendant de nombreuses années, se contentant de singer en cuir noir mal taillé les Stooges ou MC5, il deviendra, à l'occasion de son fondamental album Screamadelica de 91, l'une des plus impressionnantes forces de progrès à jamais visiter la pop anglaise. Avec cet album étincelant, qui incarne pour une génération entière le passage du rock vers la dance-culture, Bobby Gillespie vivra enfin son rêve de gosse : gloire, revanche, dope et rock'n'roll. Epuisé par les abus et des ego en surchauffe, Primal Scream faillit ne jamais s'en remettre : l'album suivant, Give out But Don't Give up, incapable de poursuivre les recherches, se repliera avec impuissance et absence sur un rock rétro et indigne. Nouvel abysse pour Primal Scream, qui redécouvre les insultes, les quolibets et le mépris.
Mais il était écrit que Bobby Gillespie serait un survivant, incapable de solder son rêve pour de simples batailles perdues. Devenu seul maître à bord, épaulé par le fidèle Andrew Innes (guitares) puis par Mani (bassiste des Stone Roses) et Kevin Shields (cerveau perturbé de My Bloody Valentine), il achèvera les années 90 avec une triplette d'albums sombre et menaçante, où le rock'n'roll est sérieusement pris à partie par une électronique vicieuse. Vanishing Point (97), XTRMNTR (00) et Evil Heat (02) : la trilogie de l'excès et de la fulgurance ne s'est pas contentée de remettre en selle Primal Scream ; ce sont les relations même entre le rock et l'électronique qui y ont été redéfinies.
Une carrière pas comme les autres, retracée par ce Dirty Hits, plantureuse collection des hauts faits de Primal Scream, entre gouaille et flamboyance. (Inrocks)