Don Cherry / Ed Blackwell - El Corazón
En tirant encore un peu le fil au jeu de l’album qui en inspire un autre, voici un autre duo entre Ed Blackwell et Don Cherry « El Corazón » dont je m’étais procuré un exemplaire lors de sa sortie en mille neuf cent quatre-vingt-deux. Un album assez solaire que j’ai beaucoup écouté.
Don Cherry est curieux de tout, non seulement de toutes les musiques mais aussi des instruments qu’il aime découvrir et en apprendre le maniement, ainsi il joue de la trompette de poche, comme à son habitude, mais aussi du piano, de l’orgue, du mélodica sur « Roland Alphonso » et du doussn’gouni, un instrument d’Afrique de l’ouest, une sorte de harpe montée sur une calebasse.
Ed Blackwell joue de la batterie, mais aussi du wood drum et des cloches également. L’album est sorti sur ECM, la prise de son est exemplaire et convient bien à cet album très aéré, plein d’espaces, qui aime se déployer et faire raisonner chacune de ses nuances, dans chacun de ses sons. On peut même penser explorer le monde, entre le superbe « Arabian Nightingale » dédié à Om Kaltsom et le percussif « Makondi ».
Les compos sont partagées entre les deux musiciens, mais parfois ils jouent en solo, comme Ed Blackwell sur « Street Dancing » ou « Short Stuff », mais il y a deux reprises magnifiques, « Roland Alphonso » qui porte le nom de son compositeur, et « Bemsha Swing » de Thelonious Monk.
Quelques moments de grâce également, « El Corazón » ou « Arabian Nightingale » et d’autres encore, car les mélodies sont magnifiques sur cette précieuse galette, toute en délicatesse et finesse, de la dentelle pour ces deux rares musiciens. « Near-In », sous les doigts de Ed, la douceur des peaux que l’on caresse, des percus qui chantent et frémissent…
Mais c’est aussi un album du temps qui passe à travers ces espaces infinis, on y entend avant de se quitter, the « Voice Of The Silence » où Don souffle seul et grimpe tout là-haut. L’esprit de « MU » n’a pas fini de souffler et de se rappeler à nos oreilles.
C’est sûr, un album dont on peut se passer, mais mieux vaut alors ne pas y goûter…