Pharoah Sanders – Elevation (1974)
Et voici venir, toujours sur Impulse, « Elevation » l’album dont on ne parle jamais, oublié bien souvent, réédité petitement, un album d’aficionados, et pourtant…
Quel album ! Il succède parfaitement à « Village Of The Pharoahs », mais n’en a pas la même accessibilité, son prédécesseur s’offre avec facilité, sans manière ni détour, « Elevation » s’élève à une sorte d’universalité du message de Pharoah, en ce sens qu’il cumule un peu ce qui a fait sa gloire et sa singularité, en évitant les pâleurs, sans rien renier, ni le free, ni la colère, d’ailleurs on comprend très vite, rien qu’à l’écoute du morceau titre.
« Elevation » dépasse les dix-huit minutes et rentre ainsi dans la catégorie des chevaux de bataille de Pharoah. L’introduction ne se démarque pas des standards qu’il a choisis, basse ronde, sautillante et répétitive, piano répétitif lui aussi, percussions à gogo, et par -dessus tout, le magnifique ténor de Pharoah qui dessine ses lignes et nous embarque.
La pièce s’enrichit au fur et à mesure, la rythmique gonfle et pousse loin, Pharoah répond dans le cri, et tout s’emballe à la façon des plus beaux passages de « Karma », cette montée jusqu’au free est remarquable et arrache fort, la puissance rythmique est à son comble et pousse encore Pharoah dans ses limites, jusqu’à l’explosion finale, orgiaque…. Sauf qu’on est seulement à la moitié de la pièce !
Le calme revient et arrive le magnifique Calvin Hill à la basse qui se pose vers l’avant, poussé par les seules percussions de John Blue et Jimmy Hopps, accompagnés de Lawrence Killian à la conga. Pharoah a toujours su s’entourer des meilleurs et les clochettes qui bruissent ici sont tout simplement merveilleuses. Le soprano de Pharoah introduit l’excellent Joe Bonner au piano, qui use de la flûte en bois également. La sérénité s’installe désormais et marque une descente paisible et sereine.
Un assez bref hommage à McCoy Tyner, « Greeting To Saud » est rendu par Joe Bonner qui s’inscrit dans une sorte de filiation, même si la main gauche n’est pas si dominante, le lyrisme est bien là, les percus derrière ornent les accords, Calvin Hill et son tamboura ajoute un drone oriental et le morceau s’achève avec, dans le lointain, la voix de Sedatrius Brown. Fin de la première face.
L’album a connu des sessions d’enregistrement étalées sur trois jours, les sept, neuf et treize septembre de l’année soixante-treize, de quoi s’aérer et prendre l’air et même, pour ce titre « Ore-Se-Rere » sous-titré Nigerian Juju Hilife, de quoi se nourrir des folklores dansants et tourbillonnants, chanter la fête et le plaisir de vivre, pour que ne s’oublie pas la joie d’être ensemble et le partage.
« The Gathering » qui suit est par contre tout en tension, comme si le feu qui couvait devait impérativement sortir et s’exprimer, à nouveau, le free, le cri, comme une libération, une envie irrépressible de s’affirmer, de hurler. Tout cela débouche à nouveau sur le relâchement et la quiétude, comme s’il fallait passer à nouveau par les cases les plus folles, celles qui ont marqué le passé, aux côtés de John, comme une nécessaire réminiscence, mais ce sont les chants ici qui auront le dernier mot.
La dernière pièce « Spiritual Blessing » est tout simplement merveilleuse, harmonium et tamboura se conjuguent pour fournir un écrin au soprano de Pharoah qui développe une mélopée aux parfums orientaux, juste pour un « au revoir », mais ce ne sera pas le dernier « Impulse », la page n’est pas encore tout à fait tournée…