On ignore où se situe le lac Elk à propos duquel Hayden a composé cette sérénade, mais une chose est certaine : il y a eu une marée noire. Assis sur la rive, Hayden, joyeux drille, écrit sur son chat, les violences domestiques, ses fantômes ou ses morts (dont une ex, déchiquetée par un grizzli). Mais tout ceci est chanté avec tant de chaleur et de délicatesse, ourlé par une vaste fanfare si subtile (on y retrouve, dans une multitude de cuivres et de cordes, Howie Beck ou Julie Doiron) que jamais ce folk ne s'englue dans le mazout. Au contraire, aérien et clair, il tente tout pour extirper les histoires franchement dérangées d'Hayden Desser du piège de la redondance de tant d'autres storytellers gothiques de l'americana, pour qui une histoire triste et malade doit fatalement chevaucher une guitare sombre et patraque. Parce qu'il est canadien, qu'il joue de la guitare solennelle et qu'il chante horizontalement des fables à l'humour cinglé, on pense fatalement parfois ici à Leonard Cohen. Car sorti de la rage aussi effrayante que prenante de ses premiers disques, remonté d'une lo-fi traîne-la-mort et trop balisée par les dogmes austères de Palace ou Smog, Hayden joue cette fois-ci ample et nonchalant ? un ton qui extirpe enfin son écoute du seul masochisme. Parce qu'il est canadien, qu'il joue de la guitare paisible et qu'il chante de la voix effrayée d'un enfant qui a joué aux billes avec le diable, on pense fatalement souvent ici à Neil Young ? Harvest Moon se reflète avec clarté dans le lac Elk. (Inrocks)
Cela fait déjà quelques disques qu'Hayden Desser s'est un peu libéré de ses angoisses, qu'il a choisi de ne plus séquestrer ses névroses. Elk-Lake Serenadeest donc à nouveau un bel album boisé et doux, souple et soyeux comme un corps aimant, aimable et chaleureux comme une accolade amicale, en un mot : rassurant. On retrouve d'ailleurs souvent cette impression à l'écoute des disques contemporains de folk américains : l'homme ou la femme qui chante avant tout pour se rassurer. Hayden n'échappe pas à la règle, mais il est loin de prétendre au titre de grand consolateur, ses chansons sont encore trop remplies de doutes, de prévisibles défaites, et sa musique, par sa simplicité revendiquée, manque parfois de substance. Mais c'est justement cette légèreté et cette limpidité d'écriture qui illuminent ces quinze titres. Reprenant le concept du livre-disque cher au petit ménestrel de nos jeunes années, Elk Lake Serenadeest fourni avec un livret abondamment illustré d'une vingtaine de pages (on imagine quel bel objet vinylique il ferait). On se plonge donc dans les histoires que racontent les chansons d'Hayden, et l'on fait vite moins le malin. La tristesse, la désillusion, la nostalgie, la perte et la mélancolie sont le sel de ces petites historiettes, et son auteur se pose comme un grand conteur triste, sachant tel un Tom Waits ou un Neil Young de poche ce qu'un petit détail infime peut provoquer comme émotion.(Magic)
Avec un pseudonyme pareil, Hayden Desser était sinon condamné, du moins contraint, à faire de la grande musique. Et ça ne manque pas. "Elk-Lake Serenade" respire à pleins poumons ce que le Canada a de meilleur : les grands espaces offerts à la contemplation, l'harmonie tranquille, une fraîche mélancolie qui fait plaisir à entendre et un folk gracieux, multiforme, finement arrangé. Hayden ne laisse pas longtemps à son auditeur le loisir de penser qu'il pourrait faire l’économie de son album. Passé l'introduction délicate que constitue la première chanson, "Home by Saturday" accroche immédiatement l'attention et suscite une admiration béate, presque enfantine. Mettant toute la simplicité des arrangements et de l'instrumentation au profit d'une efficacité mélodique sans appel, ce morceau est une perle rare pour lequel on serait prêt à rester tout un samedi chez soi afin de le passer en boucle. Les autres titres, bien que moins percutants, s'inscrivent dans cette brillante lignée. Hayden est allé à bonne école, celle de Neil Young en l'occurrence, dont on retrouve des échos très clairs lors de quelques passages instrumentaux mêlant guitare sèche et harmonica. La voix elle-même, dans sa fausse fragilité, n'est pas sans rappeler parfois celle du maître canadien. Mais le support sur lequel elle se pose est plus étoffé que ne l'est le folk de cet illustre aîné. Violons et piano viennent agrémenter des chansons qui savent alors prendre un tour classieux avec une appréciable élégance. A la candeur champêtre d'un titre comme "Hollywood Ending" répondent par contraste la sobriété symptomatique de "Roll Down That Wave" et ses plaintes féminines. Si ces deux chansons, et avec elle la grande majorité du disque, sont construites autour d'une simple guitare et de percussions discrètes, les arrangements peuvent également surprendre, comme sur "My Wife", plus résolument électrique, presque psychédélique même, qui parvient néanmoins, par un tour de force troublant, à s'inscrire dans la continuité des titres précédents. Outre la force individuelle de chacun des titres, l'homogénéité de "Elk-Lake Serenade" en constitue en effet l'un des atouts les plus évidents. Il aurait été dommage de troubler cet admirable édifice.(Popnews)
Après la sortie de son splendide troisième album "Skyscraper National Park" en 2001, on attendait avec impatience des nouvelles de Paul Desser Hayden. Et heureusement pour nous, l’homme n’a pas tardé à se faire réentendre en publiant en 2002 un double album enregistré live, "Live at Convocation Hall", afin de nous rassasier jusqu’à la sortie de son nouvel album studio. Dans la même lignée que son prédécesseur, "Elk-lake serenade" est folk et mélancolique. Mais Hayden a pris trois ans d’âge depuis, et les choses ont visiblement un peu changé pour lui. Tout au long de cet album, on sent poindre une sorte de maturité. L’album pour la première fois bénéficie d’une production plus propre, plus limpide. Le grain du son un peu lo-fi d’autrefois a disparu et, de ce fait avec lui, une part de son charme. En effet, Wide eyes en ouverture donne la couleur : le son est chaud, l’instrumentation est classieuse (piano, cordes) et on sent que le temps commence à se faire sentir pour le canadien. Certainement plus serein, plus apaisé, Hayden signe ici un album qui rejoint la tradition folk d’antan. L’harmonica est plus présent qu’à l’accoutumée et Hayden assume visiblement plus clairement son statut de songwriter. Là où "Skyscraper National Park" proposait une musique plus singulière, "Elk-lake serenade" parait peut-être un peu trop sage pour nous combler totalement. La déception de cet album est toute relative, mais on espère à l’avenir retrouver un Hayden moins posé et plus aventureux… (indiepoprock)
Il y a quelque chose de chaleureusement immédiat dans la musique d’Hayden. Quelque chose qui se jette à vous comme une gifle sur la joue et vous réchauffe instantanément. Peut-être est-ce dû à cette évocation de la nature sur ses pochettes et dessins de livret : ces caribous nobles et plus spécialement les pins de son Canada natal, ces forêts denses et verdoyantes qui entourent Toronto, la ville où il réside. Hayden ne s’en cache pas, ce végétarien prône une folk musique écolo teintée de tourments. Sur ces deux précédents albums, (le rédempteur Skyscraper National Park (2001) et le double live ... At convocation Hall (2002)) la coupe d’un arbre avait été dessiné sur le CD, symbole d’un attachement écolo/baba de la part d’un jeune homme qui a fraîchement atteint la trentaine. Après quatre longues années de retraite, Hayden Desser était réapparu en 2001 avec un troisième album magnifique, le vertigineux Skyscraper National Park. Enregistré dans des circonstances d’anonymat complet (500 exemplaires seulement avaient été pressés à l’origine), le disque a bénéficié d’un bouche à oreille conséquent pour finalement atterrir jusqu’aux oreilles affûtées de Badman Recordings aux Etats-Unis (pour mémoire le label des Red House Painters). L’homme nous était revenu plus ridé, mais c’est surtout sa musique qui semblait avoir pris 40 ans d’un seul coup, dorénavant plus alourdi par le poids des ans, Hayden se révélait bouleversant. C’est donc avec une impatience fébrile que l’on attendait ce nouveau chapitre de l’homme aux caribous. Pourtant, procuré au cours de l’été, Elk-lake Serenade n’était définitivement pas de saison : ce nouvel effort studio laissant la désagréable impression de porter une écharpe en plein moins d’Août... Cela arrive parfois, il fait laisser un peu de temps à certaines oeuvres. Laissé donc précieusement de côté, ce n’est qu’à l’arrivée du 0° sur le baromètre qu’on s’y est replongé. Et voilà que maintenant, on n’oserait envisager de mettre les pieds dehors sans sa compagnie pour affronter la brise hivernale. Toujours accompagné de son camarade Howie Beck, ce second album (artistiquement parlant) se veut plus optimiste et varié. Si Skyscraper lorgnait vers la passade dépressive, son successeur inclut cette fois quelques notes légères bienvenues. “Wide Eyes”, intro au piano voluptueuse accompagné de classieux violons, est une promenade dans la droite lignée du Loner, période After the Gold rush. Le fantôme du « Transformer Man » plane très fort d’ailleurs au-dessus de ce disque, un folk/rock sans fioriture qui touche droit au coeur comme une flèche plantée dans l’écorce d’un sapin. D’ailleurs au fil de l’écoute, le placement du tracklisting alterne entre intimisme folk et de véritables pop songs. Le disque regorge ainsi de morceaux mieux ficelés à l’instar de “Home By Saturday”, ballade folk par excellence baignée sur fond de lap steel bucolique, certainement un nouveau classique dans son répertoire. Au rayon ensoleillé, “Woody”, dédicacé à son chat, est une folk song à la fois inoffensive et touchante, et ça ne fait pas mal de temps en temps. Aux antipodes, le limite rock “My Wife”, est ce qu’on peut appeler une « Accusing song », aux accents légèrement Glam et certainement la chanson la plus accessible d’Hayden depuis ses débuts. Mais le bonhomme sait toujours être aussi grinçant, comme sur “Hollywood Endings” où il tire un portrait ironique de ses relations sentimentales, sur fond de refrains de beuverie « La, La, La, La » et noyé par une trompette fraternelle. Quelque part entre Mark Kozelek et Neil Young, Hayden s’impose durablement comme un paysagiste de premier ordre. Et on touche du bois pour que cela continue encore très longtemps. (pinkushion)