Emanon
7.5
Emanon

Album de Wayne Shorter (2018)

Wayne Shorter – Emanon (2018)


Emanon est un livre-disque contenant trois Cds et une BD faite de papier épais, avec une reliure d’excellente qualité, c’est du costaud ! Il faut savoir que Wayne Shorter est un fan de BD. Il en a lui-même écrit pendant son adolescence et il continue à en lire, celle-ci est co-écrite par lui et Monica Sly, et illustrée par Randy DuBurke connu pour ses publications chez Marvel. Éclairons tout de suite le mystère du nom de l’album, Emanon se lit de droite à gauche « no name », voici déjà une énigme éclaircie.


Wayne Shorter joue du saxophone soprano et ténor, il est entouré de Danilo Perez au piano, John Patitucci à la contrebasse et Brian Blade à la batterie. Le premier Cd est assez particulier puisque la formation est complétée par l’Orpheus Chamber Orchestra, un grand orchestre à cordes et à instruments à vent. Ils interprètent quatre thèmes, « Pegasus », « Prometheus Unbound », « Lotus » et « The Three Marias ».


Sans surprise, ces versions symphoniques ne sont pas ce que je préfère, bien qu’elles s’écoutent sans déplaisir et démontrent une certaine énergie, le quartet « Jazz » est cependant relégué au second plan, bien qu’il éclaire la partition avec, de temps en temps, de magnifiques solos souvent très brillants. Par ailleurs la fusion est parfois très réussie comme sur « The Three Marias ».


Les deux Cds suivants sont des enregistrements du quartet live au « Barbican » de Londres. Sur le second Cd deux titres seulement sont présents, « The Three Marias » qui bénéficie d’une très longue version de plus de vingt-sept minutes, faisant plus que doubler celle enregistrée en compagnie du grand orchestre. On se doute que cette version est d’emblée plus libre, ouverte aux improvisations, aux échanges entre musiciens, s’échappant de la contrainte de l’écriture, ainsi la pièce semble presque nouvelle, soumise aux lois du jazz, permissives et libres, ouvrant des espaces nouveaux, sans cesse, dans la liberté de chacun et le respect de tous. Le final de la pièce est intense et nous ramène à la version symphonique, presque tendue et dramatique.


La seconde pièce est « Lost And Orbits Medley » qui remonte historiquement jusqu’à « Orbits » qui ouvrait le « Miles Smiles » De Miles Davis sorti en mille neuf cent soixante-sept. Depuis de l’eau a coulé sous les ponts et ce medley est une sorte d’historique de ce morceau qui a accompagné Wayne Shorter au fil de son évolution. La pièce est très ouverte et brillante.


Le dernier Cd est toujours en provenance du concert de Londres, on retrouve ici deux pièces issues de la suite « Lotus » et « Promotheus Unbound », ces deux titres sont également revisités et le second est considérablement allongé, il double sa durée. Cette lecture jazz est également très stimulante.


C’est d’ailleurs l’écoute de ces pièces qui a guidé l’inspiration de Randy DuBurke lorsqu’il a créé le « comix ». Ainsi l’histoire dessinée obéit à la seule règle du ressenti, créant des mondes parallèles qui se superposent, le récit avance par saccade, ne se souciant pas de réalisme narratif. Il est conseillé de lire l’introduction signée d’Esperanza Spalding pour appréhender cet univers-là, où la science-fiction débouche sur la philosophie.


Emanon-noname voyage entre les quatre mondes du multivers, où il franchit des étapes à travers des épreuves, des combats, qui lui permettront de mieux se connaître. Un programme original soutenu par ce bel objet, perso j’ai acheté le mien d’occasion, car l’objet neuf est onéreux, et il serait dommage de se priver d’un tel plaisir. « Emanon » a d’ailleurs reçu le prix du « Meilleur album instrumental de jazz » aux Grammy Awards, cette année-là.

xeres
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le 12 janv. 2023

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