Après avoir gagné un Grammy Awards amplement mérité grâce à leur Tassili, les musiciens Touaregs de Tinariwen remettent le couvert en 2014 avec Emmaar, album qui devrait à son tour atteindre des sommets. Groupe de musique autant que de résistance politique, les nombreux membres du groupe ont cette fois dû quitter le Sahara, devenu instable et dangereux depuis les guerres successives de l'Etat français en Libye et au Mali. Éparpillés depuis plusieurs mois, ils ont finalement trouvé refuge de l'autre coté de l'Atlantique, dans le désert californien, ou ils ont saisi l'occasion d'une tournée pour se réunir et prendre le temps d'enregistrer cet opus. Et quel beau voyage pour l'auditeur ! Dès Toumast tincha, morceau d'ouverture, la bande-son d'un western oriental se déploie, savant mélange de musique touarègue et de blues rock entêtant, quasiment psychédélique. C'est ensuite un périple aussi inspirant qu'habité que nous dessine le collectif, dans un ton légèrement moins gai et entraînant qu'à l'ordinaire : la guerre est passée par là, conférant un supplément de mélancolie aux paysages dunesques évoqués par cette musique ( Timadrit in Sahara, Koud Edhaz Emin ) . Bien sûr, un disque sur le Sahara enregistré en Californie ne pouvait rester vierge de toute influence extérieure : on peut par exemple noter la collaboration, discrète, de Josh Klinghoffer, guitariste des biens connus Red Hot Chili Peppers. Celle de Vance Powell, ami de Jack White qui s'occupe ici du mixage, est plus déterminante pour le disque qui acquiert grâce à lui « une dimension mystérieuse, plus sombre, un peu hendrixienne, au son du groupe, sans pour autant le dénaturer […]. L'idée était qu'on y entende le désert». Mission accomplie, car c'est bien le désert, africain ou américain, qui est le héros de cette épopée.