De Berlin à Paris
Jean-Michel Jarre, aka l'Homme aux concerts gargantuesques — jusqu'à l'équivalent de la population de l'Uruguay en un seul show... pas mal, pas mal — , mais aussi un artiste à la carrière parfois...
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le 9 juil. 2016
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Après le succès aussi monstrueux qu'inattendu d'Oxygène (18 millions d'exemplaires vendus dans le monde, une bagatelle), il y avait un risque certain de voir Jean-Michel Jarre souffrir du syndrome de la deuxième œuvre - à savoir une deuxième réalisation pas du tout à la hauteur d'un début fracassant.
Deux ans après son phénomène aérien, JMJ revient donc - et tout va bien pour lui, merci beaucoup. Pas de syndrome en ce qui le concerne - ou, s'il en a souffert, ça ne se voit pas du tout.
Équinoxe s'avance nanti des acquis d'Oxygène (morceaux numérotés, sans titre et plus longs que la norme pop, production impeccable, atmosphère profonde et planante), tout en lançant de nouvelles propositions musicales qui renouvellent la vision du compositeur.
Articulé cette fois en deux parties de quatre morceaux enchaînés entre eux (parties correspondant toujours aux faces A et B du vinyle), Équinoxe commence dans le même esprit que son illustre prédécesseur. Après une introduction lyrique, appuyée sur une séquence rapide à laquelle répond une mélodie de cuivre majestueuse, le deuxième morceau retrouve le dépouillement atmosphérique d'un "Oxygène 1". Puis survient un troisième titre accéléré par un entrecroisement de séquences vives, une articulation en couplet-refrain qui développe une nouvelle mélodie remarquable, et un final qui s'éteint en douceur pour parvenir à "Équinoxe 4", conclusion et point d'orgue de la première partie. Un ultime morceau de face A qui est entré dans la légende jarrienne et figure toujours parmi ses hits, grâce notamment à son refrain entêtant, martelé par un son aigu et pointu, la première apparition d'une boîte à rythme dans l'album, et un final lyrique qui dépote en live.
La deuxième partie inverse la tendance de la première en jouant la carte de la vitesse et de l'énergie avant tout : lignes de batterie bien présentes, basses rythmiques qui assurent la continuité des parties 5 à 7, mélodies implacables (surtout celles des parties 5 et 7, la 6 faisant plus office de transition entre les deux morceaux).
Là encore, deux titres, les fameux Équinoxe V et VII, font partie des favoris des fans, et on comprend pourquoi. Une fois entendus, on ne les oublie pas. Ils ont fait partie de mon éducation de synthétiste amateur à l'adolescence, des morceaux sur lesquels je me suis beaucoup et longtemps exercé, toujours avec plaisir.
Je pourrais concéder un léger bémol sur la fin de l'album, la partie 8, qui se contente de reprendre plus lentement, sans batterie et avec un gros son très ample, le thème principal d’Équinoxe V. Mis à part des autres, le titre manque un peu d'intérêt et de relief. Mais, placé en conclusion de l'album, introduit par la fameuse petite mélodie sortie de l'orage que Jarre a souvent repris à l'orgue de barbarie dans les années 90, ce morceau permet d'apaiser la pulsion vive de la deuxième partie, et de quitter le disque en douceur, avec une certaine gravité non dénuée de poésie et de profondeur.
Le tableau de Michel Grangé qui sert de pochette à l'album s'intitule "Le trac". Cliché obsédant et merveilleusement évocateur de l'imagerie jarrienne, cette suite de petits personnages dont les regards se braquent sur le spectateur n'a pas intimidé du tout le nouveau jeune maître de la musique électronique. Équinoxe transforme l'essai Oxygène avec la manière, et installe Jean-Michel Jarre dans le paysage pour très longtemps, et le plus grand malheur de ses détracteurs (tant pis pour eux).
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le 5 févr. 2020
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