Critique de Espers par bisca
La musique produite par Espers, jeune trio de Philadelphie mené par Greg Weeks ? déjà croisé sur quelques disques précieux et digne héritier de Fairport Convention ? pourrait être celle que les...
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le 24 mars 2022
La musique produite par Espers, jeune trio de Philadelphie mené par Greg Weeks ? déjà croisé sur quelques disques précieux et digne héritier de Fairport Convention ? pourrait être celle que les sorciers de Salem, à la fin du XVIIe siècle, psalmodiaient avant l'interruption de leurs rites païens puis l'envoi au bûcher. Ou ce que Lovecraft, dans sa blanche Providence, écoutait l'esprit dans le vague, avant de plonger dans ses songes délirants. Soit un disque en forme de conte merveilleux et dramatique, un folk-rock métaphysique à l'acoustique acide, lent et légèrement psychédélique. D'inspiration géographiquement et mentalement opposée à celle, gorgée de soleil, de Devendra Banhart, il scrute la tradition plus froide et sombre des îles britanniques, ce folklore blanc de blanc des origines, importé sur le nouveau continent avec ses premiers fuyards conquérants : mû par de drôles de réminiscences médiévales tailladées par les guitares électriques modernes (Hearts & Daggers), le premier album éponyme des Américains est une œuvre totalement en dehors du temps. Espers est un disque aux arrangements complexes, d'une infinie délicatesse, diaboliquement mélodieux. Instrumenté avec un soin maniaque, il flotte dans une brume vaporeuse de flûtes immémoriales et de flûtes désespérées (Flowery Noontide), se drape de cordes douloureuses (Meadow), se chante du bout de lèvres bleuies par le froid glacial (Daughter). Coule constamment dans ses veines le lent venin d'une mélancolie ambivalente : peut-être celle des Pères pèlerins, effrayés par la rude hostilité de leur terra nova mais exaltés par cette formidable table rase. Et à qui les trois Américains, par leur formidable envoûtement temporel, offriraient une électricité bien commode. (Inrocks)
Premier album éponyme du triumvirat né dans les sombres rues de Philadelphie chères à Bruce Springsteen, Espers trouvera naturellement sa place dans les meilleures discothèques, quelque part entre Fairport Convention, Pentangle et Six Organs Of Admittance. Et s'ils ne parviennent pour l'instant pas à atteindre les sommets où s'ébroue Ben Chasny depuis ses débuts en solitaire, force est de reconnaître que Greg Weeks, Meg Baird et Brooke Sietinsons s'y entendent pour faire valser les étiquettes folk, baroque, psychédélique comme autant de couches de guitares, dulcimers et violoncelles entremêlés. Lézardée de sauvages éclairs d'électricité distordue évoquant Comets On Fire, leur formule essentiellement acoustique semble avoir pris toute son ampleur en délaissant la grande ville pour le porche accueillant d'un antique cabanon planté au pied des glorieuses Appalaches... Où Espers s'est souvenu des circonvolutions géniales de John Fahey et Acid Mothers Temple, dépoussiérant au passage le vieux rêve hippie comme leurs confrères d'Animal Collective et Bardo Pond à quelques lieues à peine de là. Ténébreuses comme autant de forêts lynchiennes, ces huit compositions inaugurales terrifient par leur beauté sépulcrale. Et si leur enjôleur Riding ne parvient pas à éclipser celui du plus beau Palace du monde, ignorer Hearts & Daggers, Daughter, Flowery Noontide ou Voices reviendrait à manquer les fleurs vénéneuses les plus luxuriantes de l'été. Tout aussi recommandables sont Meadow, Bys & Abyss et Travel Mountains, qui achèveraient de convaincre le plus sceptique des freaks. Comme le Chelsea Girl de Nico il y a des lustres, parions que l'on humera encore longtemps les capiteux effluves délivrés par ce précieux disque.(Magic)
Créée
le 24 mars 2022
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