A 28 ans et pour son quatrième album, Owen Ashworth, l'homme qui se cache derrière Casiotone For The Painfully Alone, a décidé de devenir adulte. La barbe bien taillée, sa chambre bien rangée, il en est à cette période où l'acceptation prend le pas sur les sentiments exacerbés de la jeunesse. Avec une production ample et des instruments plus conventionnels, New Year s Kiss ou Cold White Christmas font ainsi preuve d'une résignation désespérée, flirtant par moment avec la beauté spectrale des Tindersticks. Ailleurs pourtant, sur le splendide Holly Hobby ou le sautillant Nashville Parthenon, les boîtes à rythmes polissonnes et les claviers déglingués rejouent pour notre plus grand plaisir l'éternelle fuite en avant de la jeunesse indécise. Chassez le naturel, il revient au galop(Inrocks)
Tu m'avais pourtant promis de ne jamais me délaisser. Depuis ce jour où tu m'as sorti de cette brocante anodine pour ensuite m'apprivoiser durant des nuits entières. Tu avais alors décidé que je resterais ton unique instrument. Le seul capable d'accompagner ces innombrables mélodies qui assaillent sans cesse ton esprit, d'illuminer ses textes empreints d'une sincérité et d'une acuité désarmantes, et surtout d'exorciser cette détresse que le timbre tremblant de ta voix a toujours trahi. Mais tu as fini par te lasser. Le succès et les critiques élogieuses aidant, à l'aube de réaliser ton quatrième Lp Etiquette, tu t'es dit qu'il était temps de passer aux choses sérieuses, d'enregistrer le fameux album-de-la-maturité. Et forcément, un musicien devenu mature ne doit plus se contenter de tapoter sur les touches de son Casio, sur mes touches. Même si tu continues à m'utiliser de temps à autre, sur la charmante bluette électronique Love Connection par exemple, je ne suis plus l'élément essentiel de ta musique. Tu t'es entouré d'un véritable orchestre, d'un piano, de cordes, d'une batterie, de flûtes et même d'un synthétiseur haut de gamme (la pire des trahisons pour moi). Et je t'avoue qu'avant d'avoir écouté ce disque, je pensais secrètement être ton unique source d'inspiration. Mais il n'en est rien, pendant toutes ces années, je n'aurais été qu'un accessoire au service de ton génie qui, s'il pouvait parfois paraître étriqué auparavant, jaillit désormais sans nuance grâce à l'ampleur nouvelle que tu as su donner à ta musique. Tu te permets même de composer ce que nous n'avions jamais pu faire ensemble : la pop song psychédélique pavée d'orgues magistraux intitulée Holly Hobby, ou les rythmes dance et les nappes de synthés de Scattered Pearls, chantée par Katy Davidson de Dear Nora. Plus loin, les notes de piano de Bobby Malone Moves Home et New Year's Kiss, et surtout ce chant profond et chaleureux, d'une grâce et d'une force mélancolique incroyables, m'ont bouleversé. De notre (quasi) séparation est donc né Etiquette, ton meilleur album. Ça me déchire le coeur de te l'écrire. Enfin, j'imagine, car, après tout, je ne suis qu'une machine. Déçue, trompée et trahie. Un Casio empoisonné". (Magic)