Drôles d'oiseaux. Depuis dix ans, My Morning Jacket, groupe des plus éclectiques de Louisville (Kentucky), brouille les pistes, enthousiasme autant qu'il déroute. Jim James, le cerveau de la formation, brasse avec sincérité toutes les musiques qu'il aime, injectant dans la country psychédélique noyée de réverb de ses débuts mille ingrédients pop, funk, heavy ou autres. Fin 2005, cette mixture a priori inquiétante accoucha du formidable album Z, euphorisante collection d'exercices de style qui battait toute la vague des délirants groupes indés néo-progressistes (Flaming Lips, Mercury Rev, Super Furry Animals...) sur leur propre terrain. Laissant d'autres (Band of Horses, notamment) reprendre le flambeau de son alt-country torturée d'antan, James a décidé de pousser le bouchon plus loin encore sur Evil Urges. Groove à la Prince avec voix de fausset, acid rock à la Grateful Dead (période Blues for Allah), pop FM 70's (on frise le ELO), déflagrations rock à la Who, funk à la Cameo... Le kaléidoscope est vertigineux. Le seul hic, c'est que la magie de Z opère moins. Là où des éléments disparates formaient miraculeusement un tout cohérent, on se retrouve ici à picorer, à apprécier à dose homéopathique les titres individuellement. Du coup, le plaisir d'écoute de l'album dans sa durée n'est plus au rendez-vous. Dommage. HC
Sans crier gare, les barbus hirsutes de My Morning Jacket avaient détourné leur rock terrien vers un dub stratosphérique hallucinant, avec un album énorme, l’inépuisable Z (2005), probablement ce que le rock américain a fourni de plus puissant ces dernières années. Le combo de Louisville, Kentucky, a, semble-t-il, définitivement largué les amarres, voire même pété un câble. Car Evil Urges est insaisissable, déroutant et, au final, décevant, malgré quelques grandes chansons. On est d’abord frappé par une production lisse, d’où rien ne semble dépasser, contrastant cruellement avec l’ampleur phénoménale de Z. On soupçonne ensuite les Américains d’avoir voulu jouer sur deux tableaux qui s’accordent assez mal : d’une part, revenir en douce à un rock sudiste plus classique (la ballade Sec Walkin’ ou Remnants et ses grosses guitares), et d’autre part, pousser encore plus loin leur volte-face stylistique en faisant quelques paris aussi audacieux que casse-gueule (Highly Suspicious qui vire au n’importe quoi avec ses chœurs grotesques ou Touch Me I’m Going To Scream Part 2, longue divagation electro pop éthérée). Un pari gagné haut la main sur l’excellente envolée pop Two Halves, portée par une ligne de synthétiseur, une guitare claire et des chœurs surannés, ainsi que sur Smokin’ From Shootin’, formidable montée en puissance conduite par une section rythmique qui roule et amasse mousse. Surtout, il y a l’extraordinaire Touch Me I’m Going To Scream, mélange idéal d’arrangements synthétiques et organiques décuplé par une mélodie lubrique et le chant de Jim James, aigu mais sûrement pas émasculé. Un tube orgasmique qui pourrait bien à lui seul provoquer un mini baby-boom d’ici neuf mois, à l’issue d’un été forcément brûlant.(Magic)
My Morning Jacket a une fâcheuse tendance à plomber ses albums avec deux premières chansons largement en-dessous du reste. Le problème est que cette fois, la plupart des titres ne manquent pas seulement de vigueur, de fougue, d'esprit forain, mais sont tout simplement insupportables. Aucune originalité. Au fond, on a l'impression d'avoir déjà entendu "Evil Urges" quelque part. Chez Neil Young, Band of Horses, Guillemots, notamment sur la piste d'ouverture, abscons mélange de bluegrass et de rythme faussement funky, qui résume tout : mou du genou, simpliste, avec une production lorgnant soit vers un sentimentalisme de cour d'école soit vers de la grosse machinerie dont il ne reste pas grand-chose après le premier grattage. Surtout, on découvre avec embarras que les passages susceptibles d'étonner et d'enchanter, ce qu'on leur demande, sont déjà dans "It Still Moves". L'ensemble parvient par je ne sais quel mauvais tour à être aussi fade qu'un single du dernier Green Day. Et probablement aussi stupide. Je ne m'explique pas comment on peut passer d'un album aussi beau, original, vivifiant que "Z" à cette infâme bouillie de clichés chantée sans aucune foi, voix de tête qui bouffe tout l'espace, se manifeste sans arrêt, ne connaît guère le silence. La musique de "Z" communiquait avec le chant d'une fascinante manière. Un pont. Et quand Jim James ne poussait pas la langue, les longues parties instrumentales possèdaient un souffle unique. Ce n'était pas seulement de l'accompagnement. Non, c'était une autre voix. Une communion. "Evil Urges" est au final raté, imbu, démesurément dépourvu de personnalité. My Morning Jacket signe avant tout, et c'est le plus incompréhensible, un album traversé de part en part par une idée très particulière du mauvais goût. Trop, c'est trop. L'esprit a déserté.(Popnews)