(Tiré de mon site shaologie.com)
De toutes les manifestations instrumentales que je connaissent, on a là un des plus beaux exemples d’expressionnisme soloistique. L'improvisation est claire, brutale par moment, toujours maîtrisée, encore que... À chaud, la ligne est assez racho pour être tenté de sentir que l'expression dépasse la maîtrise, que les musiciens apportent quelque chose d'incontrôlable au pièce. Il y a intuition de débordement.
Une belle définition de l'expressionnisme en ressort:
Ce qui fait l’expressionnisme, c'est le lien entre la tentative de
l'artiste à matérialiser son soi en dehors du sien et le regard d'un
observateur lui-même créateur, car connaisseur, mais surtout
interprète des codes de l'émotivité.
Ce qu'il y a pourtant d'extraordinaire dans l'expressionnisme musical, c'est que l'émotivité reste quelque part entre la hanche et les décisions permise par les nerfs de l'instrumentiste, comme si, par manque de représentativité conceptuel, la musique était un langage que seul l’interprète peu interpréter dans la justesse de l'intention. De ce fait, le receveur des stimuli est récipiendaire d'une intuition par rapport à une jungle qu'il ne connait pas dans ses règles d'interaction, tout en connaissant les éléments qui la constitue.
Je connais les notes jouées par les musiciens, mais je suis dans l'impossibilité de concevoir leur significations affectives, si ce n'est que par une intuition. C'est cette intuition myope et capricieuse d'une qualité ésotérique dont seul les gens comme Coltrane ont saisi le secret qui, une fois débridée des fardeaux linguistiques restreignant son pur usage, est en mesure d'apprécier cette musique en créant sa puissance. Cette intuition m'a assez envoûté pour me forcer à sortir le xaphoon et crier avec l'enregistrement de manière non-maîtriser et impérativement peu expressive de mon incapacité à jouer d'autre chose que de l'intuition.