Du rab d'Acme et du garage rock brut de brut : fourmis dans les jambes et pétage de plombs. Jon Spencer est l'ami des Calvin : Calvin Klein, auquel il a récemment prêté sa plastique de jeune dieu du rock'n'roll pour une campagne de pub, et Calvin Johnson, petit prince de l'indie-rock, qui est à Mark E. Smith ce que Jonathan Richman est à Lou Reed. Calvin Johnson est l'ami des grands hommes : il a joué avec Beck ou Kurt Cobain, il a remixé le Blues Explosion et il en a même pris les commandes le temps d'un album, à poil dans le garage, sans la rutilante production de Jon Spencer ni les enflammés remixes de ses amis. L'ancien frontman de Beat Happening ­ un groupe au nom aussi pertinent que Blues Explosion ­ tartine la matière première du JSBX de larges traînées de voix, une voix de caramel mou à peine entamé par les coups de crocs pitbull de nerfs de Jon Spencer. Comme le dernier et excellent album du Dub Narcotic Sound System (le projet officiel de Calvin Johnson), Sideways soul est un disque qui donne envie de danser. Mais Calvin Johnson semble condamné à danser sur du ciment à prise rapide. Tandis qu'il s'enlise, Jon Spencer aboie des ordres et le Blues Explosion s'exécute. L'intérêt de ces enregistrements à caractère récréatif ­ presque les field recordings du Blues Explosion ­ tient largement au contraste entre la légendaire nonchalance de Calvin Johnson et la grande nervosité de Jon Spencer. Droopy et Beep-Beep ont rendez-vous sur le dance-floor pour parler d'un disque qui sonne comme un croisement entre The Fall et les MG's, fait pour la danse et les lendemains de cuite : Talk about the booze. Anecdote : l'érudit reconnaîtra en Diamonds l'embryon du Calvin qui ouvrait Acme, chef-d'œuvre du Blues Explosion, dont le groupe offre sous le nom d'Acme-Plus une large portion de rab. L'effet de surprise en moins, cette collection de titres rares, inédits ou réenregistrés est à la hauteur d'Acme : ici, tout n'est que frottements suggestifs, feulements funky, éruptions incontrôlées. Après génuflexion devant le chamanique remix gospel de Talk about the blues, le fan hardcore (qui connaissait déjà la presque totalité des titres ici présentés) appréciera d'abord les nouvelles versions des singles d'Acme, sexy comme Pam Grier, lascives attaques enregistrées par un trio de karatékas en kimono de soie mauve. Depuis Acme, la musique du Blues Explosion est magique. Il n'est plus l'heure d'en détailler les secrets, mais toujours temps d'en apprécier les effets : Acme-Plus hydrate les muqueuses et stimule l'imagination ­ à plusieurs reprises, l'auditeur est ainsi frôlé par les fantômes bienveillants d'Otis Redding et Elvis. Ce disque est une boule de cristal dans laquelle on peut lire le passé et l'avenir à travers une pluie de paillettes. Dans la joie et l'insolence, le Blues Explosion explose et recolle sans fin des fragments de mythes, il n'a pas son pareil pour traduire en musique un état d'euphorie vierge de cynisme. Il crie "Adrénaline !" pour qu'elle revienne. Et elle revient, à quatre pattes et la langue pendante. (Inrocks)


Après la sortie de Orange, on avait eu droit à un très savoureux album de versions remixées par quelques grands. Jon Spencer va un peu plus loin cette fois avec pas moins de vingt titres issus des sessions du dernier album Acme : en vrac, cinq titres rares, neuf inédits (dont une pub hilarante en clôture) et sept versions remixées. Sur Acme, Jon Spencer élargissait ses horizons en ajoutant une grosse louche de soul sexy à son blues roots revu façon destroy. Si "Blues" reste l'élément central du nom du groupe, les remixeurs sollicités (dont David Holmes ou les Stimulated Dummies) sont cependant à la mesure de l'ouverture d'esprit du groupe. Ainsi, Blue Green Olga est revu conjointement par Jim Waters et... Jack Dangers de Meat Beat Manifesto, ce qui accentue à la fois l'aspect dansant et "roots" du morceau. Forcément moins cohérent que son prédécesseur, l'album est parsemé de quelques titres anecdotiques. Les inédits ne sont pas de première cuvée, à l'exception du Lap Dance sur lequel l'inénarrable André Williams, le vieux de la vieille que Jon a remis en selle, pose sa voix éraillée et salace. Cet album prouve pourtant une nouvelle fois que l'ancêtre blues passe le nouveau millénaire avec toute la verdeur souhaitée, ce qu'ont bien compris, à défaut de l'avoir anticipé comme ce cher Jon, Moby et Tricky. (Magic)
bisca
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Ma cédéthèque

Créée

le 1 avr. 2022

Critique lue 7 fois

bisca

Écrit par

Critique lue 7 fois

Du même critique

Le Moujik et sa femme
bisca
7

Critique de Le Moujik et sa femme par bisca

Avec le temps, on a fini par préférer ses interviews à ses albums, ses albums à ses concerts et ses concerts à ses albums live. Et on ne croit plus, non plus, tout ce qu'il débite. On a pris sa...

le 5 avr. 2022

3 j'aime

Industrial Silence
bisca
8

Critique de Industrial Silence par bisca

Vocable à résonance latine et nom espagnol donné à l'Aurore, Madrugada est pourtant un quartette norvégien... Il faut donc chercher ailleurs pour en trouver le sens et l'on découvre immédiatement des...

le 5 avr. 2022

3 j'aime

Santa Monica ’72 (Live)
bisca
7

Critique de Santa Monica ’72 (Live) par bisca

Ça commence avec la voix du type de KMET, la radio de Santa Monica qui enregistre et diffuse ce concert de Bowie, le 20 octobre 1972. « Allez hop on va rejoindre David Bowie qui commence son concert...

le 27 févr. 2022

3 j'aime