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C'est peut-être difficile à concevoir aujourd'hui, mais il fut un temps où chaque nouvel album d'Elvis Costello déclenchait les coups de fil fiévreux de fidèles dépeçant morceau par morceau la chose à peine écoutée, encore moins digérée. C'est à ce genre de souvenir que peut vous ramener le dénommé Lightspeed Champion et son Lavender Bridge tortueux, pléthorique, orné jusqu'à plus soif. Avec le susnommé, Dev Hynes (pour sa maman) partage les lunettes à gros carreaux et le goût des mélodies qui ont l'air de s'inventer à mesure, et où débarquent à l'improviste une section de cordes, un choeur féminin, une pedal-steel... ou une autre mélodie. Midnight Surprise, pièce montée de presque dix minutes qui trône au milieu, porte ainsi trois chansons possibles en une. Juste avant, All to shit, miniature au hautbois. Juste après, Devil Tricks for a bitch, enrobé d'un quatuor... La somme des douze titres est peut-être un peu raide en une seule prise, mais l'espèce de soûlerie que produit ce carrousel chanté sur le fil entre cynisme pince-sans-rire et lyrisme mal léché n'est surtout pas à négliger. Quand au bout de la douzième écoute, le décollage de Dry Lips après deux minutes trente vous excite autant, bravo, c'est gagné. Bienvenue chez Lightspeed Champion, qui arbore sur la jaquette un papillon jaune, un gilet vermillon, et la tête ahurie d'un fils illégitime de Curtis Mayfield. Le genre de zozo dont personne n'aurait pu dessiner le profil, et c'est ainsi qu'à côté de chères nostalgies un peu vaines (ou à cause d'elles) viennent encore s'incruster des chansons qui, dur comme fer, vous promettent de rester.


Du sang et des bleus, des fumées électriques et des substances dures, des sauts périlleux et des oreilles cassées, des angles aigus et des courses sur les braises : quiconque a écouté l’album des Test Icicles, quiconque se souvient – les jambons enflammés et la tête chamboulée – d’un concert des gredins peut louer le Seigneur d’avoir survécu. Les Test Icicles : quelque temps avant les Klaxons mais avec bien moins de compromis encore, une novation rude et frappadingue, une carrière en fusée et une musique de bombe atomique. Une folie, cramée en quelques mois. “C’était cool, dit leur ex-guitariste Devonte Hynes alias Lightspeed Champion. On s’est bien amusés, on a passé du bon temps." Ce passé en tête, on ne s’étonnera pas en s’enfonçant dans l’album postapocalyptique de Hynes. On tombera carrément des nues. Délicat et mousseux, pop et lumineux, caressant et Technicolor, grandiose par moments et grand le reste du temps, il est l’antithèse parfaite des batailles sanglantes des Test Icicles : Devonte Hynes semble avoir beaucoup changé. Apparence trompeuse. Il n’a pas changé, n’a pas mué, ne s’est pas renié. Falling off the Lavender Bridge n’est qu’une étape, parmi d’autres, au milieu d’innombrables projets, dont l’un avec l’excellent Tom Vek. Dans cinq ans, peut-être, un deuxième album de doom-metal joué à l’ocarina, un disque de transe-goa sifflé – mais ce sera sans doute, quoi qu’il arrive, superbe. Il est comme ça, Dev : un garçon à cervelle trop pleine d’où airs collants et chansons brillantes sortent comme des éternuements, comme une obligation. Et comme un puzzle, dans le désordre des styles, dans le chaos des genres. “J’ai des choses qui passent dans ma tête, et il faut que je les sorte au plus vite, que je les couche sur bandes. Et ce ne sont pas des bouts de trucs : ce sont souvent des albums entiers, le format m’obsède. Je passe du temps à les enregistrer, souvent pour moi-même, c’est un besoin, intime."Devonte fait donc ses albums comme on colorie une BD, selon l’humeur, en tout rouge ou tout pastel. ça tombe bien : le brillant garçon dessine aussi, à ses heures perdues. Pendant musical d’un volume dessiné, Falling off the Lavender Bridge est à l’image de son auteur. Entre deux mondes : Hynes est né à Houston, Texas, puis a traversé l’Atlantique, avec famille et idées. Il a écrit ses maquettes en Angleterre, elles se sont retrouvées aux Etats-Unis entre les mains de Mike Mogis, tête du label Saddle Creek et producteur de The Faint, Jenny Lewis ou Bright Eyes. Enregistré avec Mogis à Ohama au Nebraska, Falling off the Lavender Bridge est une œuvre binationale, de la pop moelleuse ou un folk des grands espaces, de l’ameripop ou de la briticana. Au-dessus de ce petit Atlantique que les Britanniques appellent la mare, c’est un pont entre deux univers, qui relie les brillances britanniques et la sincérité américaine. Et seul le sucre formidablement collant de mélodies increvables peut offrir des haubans suffisamment solides à cette œuvre périlleuse. “Je suis totalement fan des refrains, mélodies et harmonies, reconnaît Devonte Hynes. Aussi jeune que je puisse me souvenir, je les ai toujours vus comme des choses extraordinaires. J’ai regardé en famille beaucoup de comédies musicales : une comédie musicale, tu mets tout ce que tu as, si la chanson est mauvaise tout se casse la gueule. Quelque chose de puissant, d’immédiat, doit capturer ton attention et ne jamais plus la lâcher.” Et comme une comédie musicale, comme le déroulé des cases d’une BD, Falling off the Lavender Bridge est une longue, passionnante, haletante narration. Ses morceaux, arrangés et enregistrés avec un joli sens du détail (Tell Me What It’s Worth, tube en devenir, les très belles Devil Tricks for a Bitch ou Salty Water), s’articulent comme une grammaire colorée, comme les plats et les collines d’une histoire romantique, les rebondissements et les creux d’un scénario hollywoodien. Une chanson, plus que toutes les autres, découvre la sensationnelle capacité d’Hynes pour la beauté à tiroirs. Le morceau de bravoure s’intitule Midnight Surprise : avec un tel personnage la surprise ne fait que débuter. (Inrocks)
D’une année à l’autre, il s’agit de ne pas perdre le fil. Il était question, en cette même page, pour le dernier numéro de 2007, de métamorphoses inattendues et de régénérations spontanées, bref, de tous ces phénomènes inexplicables qui transforment les formations les plus balourdes et banales en phénix discographiques étincelants. Tout comme Chromatics, tâcherons post-punk réincarnés en stars du dancefloor, notre Champion du jour semble avoir été touché par une étincelle de grâce miraculeuse. En effet, on a beau se pincer, se frotter les yeux, s’assurer par tous les moyens possibles que l’on ne rêve pas. Il n’en demeure pas moins difficile, voire impossible, de démêler à la première écoute la trajectoire biographique tortueuse qui a bien pu conduire Dev Hynes (c’est ainsi que se nomme ledit Champion) à confectionner cet OMMI (Objet Musical Mal Identifié) intitulé Falling Off The Lavender Bridge. Ce ne sont pas, en tout cas, ses expériences professionnelles les plus récentes qui pourront fournir la clef de ce CV improbable. Rien ne semblait, en effet, prédisposer cet ancien membre des très médiocres et très bruyants Test Icicles à se reconvertir dans le songwriting le plus merveilleusement délicat. Sans doute faut-il remonter quelques années en arrière pour mieux appréhender la cohérence de ce personnage atypique. Né à Houston, bringuebalé au fil des déménagements familiaux du Texas jusqu’en Écosse, puis de Londres à Omaha (Nebraska), Hynes confesse lui-même une passion précoce pour les chansons, au-delà des formes, des genres et des styles : comédies musicales, hip hop, pop classique. Ce multi-instrumentiste doué (guitare, piano, batterie, mais aussi violoncelle) digère peu à peu les influences les plus éclectiques en évitant les affiliations trop exclusives. De ce parcours chaotique, Dev semble également avoir retiré quelques solides amitiés (la chanteuse Emmy The Great, quelques membres de The Faint ou Semifinalists qui l’accompagnent ici), mais aussi bon nombre de cicatrices nées de l’isolement et du rejet. Tell Me What It’s Worth évoque ainsi l’hostilité et l’incompréhension manifestée par les rude boys de son quartier devant ce fan de rap au goût et à l’apparence si atypiques. À l’instar d’un Badly Drawn Boy, il possède cependant cette dose d’humour qui lui permet ici d’exhiber ces fêlures sans impudeur. Sous ses dehors clownesques (lunettes XXL piquées à Elton John, perruque en poil de yack, costume tout droit sorti de la garde-robe des Musclés), Hynes flirte avec les émotions les plus crues, sans misérabilisme ni complaisance. D’emblée, Number One (rencontre au sommet entre les fantômes de Gram Parsons et The Left Banke) et le fameux single Galaxy Of The Lost donnent le ton de cette écriture qui recycle et fusionne les formes les plus diverses : la pedal-steel y croise les cordes et les hautbois, les harmonies vocales délicieuses renforcent l’efficacité des refrains ascensionnels. Nulle trace ici, pourtant, de ce classicisme compassé et révérencieux qui figerait Lightspeed Champion dans la seule posture de l’hommage. C’est que le bonhomme n’a pas sa langue dans sa poche. La crudité de certains titres en témoigne (Let The Bitches Die, Devil Tricks For A Bitch). Le contraste entre ces confessions mal embouchées et la délicatesse du cadre musical surprend, amuse, avant de forcer l’admiration. Avec une liberté de ton salutaire, il s’amuse également à jongler avec les formats et les longueurs. All To Shit, évocation hyper condensée de la rupture amoureuse une poignée de secondes, s’enchaîne sans crier gare avec Midnight Surprise, véritable morceau de bravoure de dix minutes. Au fil de ce Bohemian Rhapsody lo-fi qui ne cesse de rebondir de rythmes en mélodies, Hynes brasse pêle-mêle les jeux vidéo, les joies de la masturbation et des formes de méditation plus spirituelles. Un solo de guitare digne de Scott Gorham (Thin Lizzy) est suivi d’une coda aux fortes réminiscences de The Smiths. Tout cela demeure étonnamment cohérent. Et d’autant plus appréciable que Lighstpeed Champion sait ensuite ménager quelques moments d’accalmie le temps d’une ou deux ballades plus épurées (Salty Water, Dry Lips). À la fois classique et farfelu, drôle et émouvant, Falling Off The Lavender Bridge s’impose comme un chef-d’œuvre contrasté et tourneboulant. Et son auteur comme le maître absolu de la pop paradoxale. (Magic)
Malgré cette pochette où Dev Hynes pose avec un look de nerd, "Falling Of The Lavender Bridge", le premier album de Lightspeed Champion, est tout ce qu'il y a de plus classique dans sa composition. Alors qu’un sentiment de lassitude commence à nous envahir au moment où l'on s'apprête à écouter ce disque, l’évidence nous saute au visage et efface tous ces a priori mesquins dès les premières notes : Lightspeed Champion vient de réaliser un pur bijou de pop.Après un Galaxy Of The Lost parfois pompeux, l’album prend son envol avec le superbe Tell Me What it’s Worth. Dev Hynes y fait preuve d’une écriture classique, toute en guitare acoustique, et réalise une bien belle mélodie que l’on gardera pour se remonter le moral les jours de pluie, et ce malgré des paroles plutôt cafardeuses. En effet, l'ancien guitariste de Test Icicles nous a concocté quelques surprises dans les textes de ce disque puisqu'ils constituent une sorte de journal intime plutôt cru, sur lequel il a façonné un magnifique écrin de mélodies pop.Midnight Surprise demeure le morceau de bravoure de l’album, où le songwriting de Dev Hynes prend toute son ampleur et y côtoie quelques grands noms de la pop, à commencer par Bowie période "Hunky Dory". Noyé sous une accumulation d’instruments (pedal-steel, piano, guitares électriques et acoustiques), Midnight Surprise mélange les ambiances, multiplie les transitions, change souvent de direction, pour finalement conter les pulsions sexuelles entre Link et Zelda ! D'autres grosses montées émotionnelles sont disséminées au cours de "Falling Of The Lavender Bridge", comme ce I Could Have Done This Myself dont l’emphase rappelle celle d’Arcade Fire, ou encore Devil Tricks For a Bitch avec son introduction au ukulélé. D'après ses dernières déclarations, Dev Hynes a en réserve une demi-douzaine de projets parallèles. On espère également une suite à "Falling Of The Lavender Bridge". Si Lightspeed Champion nous réalise d’autres chefs d’œuvres du même acabit, on est prêt à le suivre de nouveau. Avec des morceaux plus dépouillés peut être... (indiepoprock)
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le 5 avr. 2022

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