Qu'est ce qui m'empêche de coller une note parfaite à ce nouvel opus de Vijay Iyer ? Entouré aujourd'hui d'un sextet qui - je l'espère - ne s'envolera pas de si tôt, le pianiste d'origine indienne a trouvé un ensemble qui colle enfin à son style et ses ambitions.
Sur Far From Over, tout est à sa place. Vijay Iyer teinte ses mélodies d'abstraction et de dissonances, pendant que Steve Lehman et son saxophone brillent par leur jeu à la fois éclatant et ténébreux ; le ténor Mark Shim n'oublie pas d'ajouter de la nuance avec ses contre-mélodies ou vient tout simplement soutenir le jeu des deux précédents jazzmen ; Tyshawn Sorey tient un rythme souple qui permet aux joueurs de colorer au mieux le paysage resplendissant de Far From Over, sans oublier d'insuffler un groove diabolique à l'ensemble ; groove qu'on ne pourrait qualifier de diabolique si ce n'était pour la créativité de Stephan Crump, qui tient la basse et fait sens cesse écho à son binôme, la batterie ; finissant par le discret mais non moins brillant Graham Haynes qui colorie avec tendresse le sextet, à l'aide de son bugle et son cornet, d'une atmosphère plus posée et plus cool, contrastant avec l'aspect - à la limite - agressif de la section cuivre.
Les arrangements sont sublimes. Tantôt lumineux (voyez le final Threnody), tantôt funky (voyez le jeu de batterie sur Nope), tantôt abstraits (voyez le morceau titre), tantôt cool (voyez For Amiri Baraka), tantôt sombres (voyez l'ensemble de l'album). L'alchimie des six musiciens est telle que tout paraît à sa place, rien ne manque, rien en trop. Les rythmiques sont originales, les thèmes complexes, les mélodies prenantes. Far From Over finit par être unique pour son époque, légèrement éloigné de la saga ECM Style habituelle et monochrome, les influences les plus évidentes à pointer du doigt remontant à des ensembles datant du milieu des années soixante (Andrew Hill, Eric Dolphy ou encore Ornette Coleman).
Difficile de trouver des failles dans la composition de l'album ou dans la cohésion des joueurs, le sextet est complet, le résultat est incroyable. Un post-bop accessible, gardant un côté avant-gardiste, mais mélodieux, avec un rendu sonore clair et précis, une particularité chère à l'école ECM qui trouve en Far From Over un éclat de plus à promouvoir dans son catalogue en cette année 2017.