13 septembre 2021
1971 n'est décidément pas un bon cru pour Frank Zappa. Hormis le fait que tout son matériel est détruit lors d'un incendie au casino de Montreux pendant un concert, que même pas une semaine plus tard, il est précipité dans la fosse d'orchestre par un spectateur jaloux, devant rester en chaise roulante pendant plus d'un an, étant dans l'incapacité de se produire en concert, cette année-là voit aussi la publication d'un film "200 Motels" qui sera un ratage commercial et cet album live au Fillmore East, qui est à mes oreilles le disque en public le plus brouillon qu'il ait produit de son vivant ... et tout ça sans compter les déboires relationnels qu'il a avec les deux membres-chanteurs des Mothers, Mark Volman et Howard Kaylan.
Je ne suis jamais parvenu à apprécier les frasques de ces deux chanteurs, souvent brouillons, un peu ridicules, trop souvent dans la caricature ou l'exagération et à côté de la plaque, ne parvenant pas à atteindre le niveau musical des autres musiciens. C'est finalement quand on ne les entends pas que c'est le plus intéressant musicalement.
Je vous conseille donc de passer outre et de plutôt vous concentrer sur "Roxy & Elsewhere", un enregistrement en public qu'il peaufinera méticuleusement trois années plus tard, et, qui lui, est une pure merveille.
13 décembre 2021
Exactement trois mois après avoir rédigé cette critique, je me permets de nuancer mon propos. En effet, la lecture de la trilogie sur Frank Zappa de Christophe Delbrouck m'a permis d'avoir un éclairage différent sur cet album. D'abord, il faut bien comprendre qu'il n'est pas facile à aborder pour plusieurs raisons : FZ se permettant de singer les travers des cassettes piratées de ses concerts.
La pochette est (volontairement) moche, donnant l'impression que l'album est bâclé faute de temps, alors qu'en fait FZ a donné ses instructions à Cal Schenkel pour qu'il réalise une pochette où ne sera mentionné que le nom du groupe, l'endroit et la date, sans aucune illustration. Il est tellement exaspéré qu'il décide de mettre en avant une (fausse) faute de moyens. Et il n'y a pas que la pochette qui sera marquée dans le style "bootleg", il se permettra de couper un morceau en deux (Willie the Pimp) comme c'est souvent le cas sur les cassettes qui ne permettent pas de toujours faire figurer les morceaux en entier, vu la longueur de la bande. Pour couronner le tout, il enregistre le concert, puis décide de faire figurer (en bonus) trois morceaux qui n'ont aucun rapport avec ce concert, simulant ainsi le remplissage qui est si souvent exécuté sur les cassettes pirates.
Tout cela, nous amène à croire que cet album est un brouillon, mal exécuté, alors qu'en fait il s'agit d'un concept méticuleusement concocté. Et c'est là que se trouve le génie de FZ, faire croire à un travail mal fait, alors qu'il s'agit d'une oeuvre d'art. Avez-vous déjà essayé de paraître bordélique, ce n'est pas si simple, car il faut désapprendre nos acquis, ce qui est, au final, plus difficile que d'apprendre.
L'autre difficulté de cet album, sont les dialogues de la paire Mark Volman et Howard Kaylan. Tout au long du concert ils nous entraînent dans leurs délires, qui sont souvent incompréhensibles si on ne prends pas la peine (et le plaisir) de les traduire. A moins d'être anglophone, on reste souvent en dehors de leur logorrhée, et on peut vite se lasser de ne pas comprendre. Mais si on creuse, l'étincelle jaillit et le plaisir en est décuplé.
J'avoue donc être passé à côté de l'essentiel à la première écoute et ce n'est qu'en creusant plus profondément et en enlevant les scories de ce qui ressemblait à un vulgaire caillou, que je me suis rendu compte qu'il s'agissait en fait d'un pur diamant.