Je pensais tenir la BO dont je rêvais, et je n'en suis finalement pas loin ! Mais j'émets une petite réserve sur cet album qui contient pas moins de 156 morceaux.


L'attente que j'ai eue envers Final Fantasy VII Remake a été on ne peut plus emplie d'espoirs. Le jeu s'est montré relativement généreux et satisfaisant, comblant en grande partie mes attentes. Je note toutefois que sa bande originale ici présente souffre du même défaut principal que le jeu dont elle habille les scènes : une dilution trop prononcée de l’œuvre originale, notamment parce que ce n'est que le début d'une plus grande aventure et que ça ne correspond grossièrement qu'au premier tiers du jeu original. Les créateurs se doivent donc d'étirer les évènements, et la musique passe par ce procédé aussi.


Le début est très prometteur, offrant des morceaux de bravoure très réussis, permettant bien souvent de sublimer et de prolonger le plaisir des thèmes originaux de FFVII, en proposant une modernisation plus que bienvenue, des ajouts assez pertinents et en les orchestrant de manière épique. Je suis assez friand de ce genre de choses en général, surtout quand c'est bien fait, ce qui est le cas ici. Ces titres sont dignes de véritables films, et bien que la grande qualité des BO de jeux vidéos soit aujourd'hui communément admise, ça fait quand même rêver d'entendre ce genre de choses dans un jeu. Je ne boude pas mon plaisir d'entendre certains thèmes se répéter plusieurs fois au fil des disques, j'y reviens plus bas. Une bonne vague de nostalgie frappe à l'écoute de certains morceaux particulièrement bien modernisés et complexifiés, et ce dès le début de l'aventure.


L'introduction de cette BO est très réussie, faisant anticiper à l'auditeur une aventure qui s'apprête à être pleine de nostalgie et d'épique, et qui promet de sublimer l'histoire que l'on connaît déjà. La modernisation des morceaux y est pour quelque chose (rappelons que la BO du jeu de 1997 était au format MIDI, limitations de l'époque PS1), car dès le fameux Prelude commun à tous les FF, on nous donne des percussions, des cuivres, des cordes magnifiques. Mais il y a aussi ce que j'appelle la complexification musicale, qui se traduit par des entrecroisements de thèmes et d'ambiances, à l'image du second morceau, Midgar, City of Mako, introduction du jeu qui mêle dès le départ des motifs propres à Sephiroth, assez sombres et inquiétants, avec le déroulement mélodique plus classique de cette intro ô combien mythique de 1997. Cela nous annonce subtilement que l'histoire ne sera peut-être pas tout à fait celle qu'on connaît, et plus noire.


Passées les premières parties du jeu dans les réacteurs Mako, qui nous font véritablement vivre une expérience sonore cinématographique, on progresse dans cette BO gigantesque de 156 morceaux et on constate qu'on s'aventure vers des genres différents, avec son lot de nouveautés par rapport au FFVII d'origine. Si la nouveauté n'est pas forcément une mauvaise chose en soi, ici elle détonne parfois grandement avec l'ambiance initiale, à coups de techno assez grossière, par exemple (c'est ce qui m'a le plus "choqué" dans ce jeu).


A l'image du jeu, on se perd dans des scènes/morceaux sans grand intérêt, ceci notamment afin de proposer plus de contenu, contenu qui s'avère bien moins intéressant que l'histoire principale. Le mélange des genres est cohérent avec ce qu'on traverse dans l'aventure, notamment à Wall Market, mais on balance alors entre des extrêmes (la dance/EDM et le blues notamment) pas toujours bien sentis à mes yeux (ou plutôt à mes oreilles).


Les thèmes remaniés en version jazzy/blues sont sympathiques, à l'image du thème de Tifa, repris dans le morceau The Star of Seventh Heaven, permettant d'offrir une parenthèse calme et moins solennelle à l'aventure musicale. Mais on a affaire à quelques tergiversations inutiles en milieu d'album, qu'on pourra distinguer en morceaux soit banals/oubliables, soit carrément de mauvais genre.


Il y a des thèmes qui ne sont pas foncièrement mauvais, mais qui n'apportent rien d'intéressant selon moi, comme Johnny's Theme. Ceux-là sont rares et ne sont pas négatifs pour autant, mais ils participent à la fameuse dilution évoquée dans le titre : la profusion de morceaux "sans intérêt" sur certaines parties de l'album tend à noyer la qualité du produit.


Lay Down Some Rubber - Let's Ride entame une parenthèse de genres dans l'aventure, qui jusque là tenait une ligne conductrice assez cohérente, dans un style principalement orchestral. On a ici une partie rock énergique qui permet certes de varier un peu les plaisirs, mais avec en milieu de morceau des voix et des effets de guitare semblant vouloir rappeler une moto, et qui viennent un peu gâcher le tableau... Le titre semble être un petit kiff des compositeurs, et il parvient à insuffler une certaine énergie malgré tout.
Sauf qu'il est directement suivi de plusieurs morceaux bien moins pardonnables, de Midnight Spiral à RUN RUN RUN (ce dernier étant probablement le pire), qui partent en mode dance que je trouve assez peu pertinente dans le ton général de l’œuvre. Ces morceaux manquent terriblement d'impact émotionnel ou même de pertinence artistique, quand on connaît la beauté des musiques de la saga, et je ne les trouve même pas fun à écouter. Ils représentent ainsi la première véritable faute dans ce très long album, troquant la beauté du début d'aventure pour de la musique bien artificielle.


D'ailleurs, du côté de l'artificiel, puisque j'en parle, tout n'est pas nécessairement à jeter. Disons qu'il y a un bon équilibre à trouver pour que cela reste efficace, comme dans S7-6 Annex Diversion, où le milieu du morceau voit apparaître une variation électronique du thème des boss de FFVII. Je n'ai plus le contexte exact de ce moment précis du titre, mais en tout cas, ça ne jure pas totalement avec la scène, et cette parenthèse électro/dubstep reste suffisamment courte pour juste avoir l'effet qu'elle veut provoquer chez l'auditeur, le morceau repartant ensuite de plus belle dans des instrumentations orchestro-rock qui fonctionnent très bien.


Jessie's Theme vient nous remettre dans le droit chemin après cette parenthèse décevante, en développant un thème qui raconte une histoire et décrit une personnalité, bien que ne marquant pas nécessairement les esprits. La suite a ses hauts et ses bas, avec certaines parties plus banales, avec des titres qui ne sont pas ratés et ne font pas tâche sur le tableau, mais se contentant d'habiller des scènes lambdas, par exemple des scènes d’infiltration. Rien de foncièrement mauvais, mais rien d'extraordinaire non plus, et à nouveau, cela participe à noyer l'ensemble de l'album dans une certaine banalité.


Certains morceaux issus du jeu original sont modernisés habilement tout en conservant leur ton originel, exercice délicat. Un exemple frappant est Under the Rotting Pizza, qui n'est pas nécessairement un thème extrêmement important, mais qui possède une identité qui lui est propre dans le jeu original, et qui n'est pas dénaturé dans ce remake.


D'autres thèmes, qui auraient pu être épiques comme le reste, tapent un peu à côté en voulant trop en faire, à l'image de Hell House, qui ne propose pas un arrangement suffisamment pertinent pour faire totalement mouche avec moi. Parmi les morceaux connus de FFVII dans cette situation, Midgar Expressway (anciennement Crazy Motorcycle), qui apparaît bien plus tard dans l'album, se plante un peu en proposant des portions assez synthétiques, trop artificielles, qui empêche les émotions de vraiment se libérer sur ce morceau à la base assez cool, et qui reste entraînant, cela dit. Le morceau aurait gagné à s'en tenir à des influences rock comme c'est le cas dans certaines de ses portions, et en ajoutant moins de fioritures électroniques.


La partie la plus faible de l'album reste tout ce qui entoure Wall Market et le Colisée, dès le morceau Collapsed Expressway et tout ce qui s'ensuit, à base de musique pop-électro le plus souvent. Un exemple de ratage complet (selon moi, mais il y a des gens qui penseront peut-être l'inverse) est Due Recompense, reprise totale du thème de Wall Market du jeu de 1997. Ce dernier avait une ambiance assez détendue, un peu chill (comme la version reprise dans The Oppressed - Beck's Badasses), alors qu'ici on est à cheval entre dance et dubstep, ce que je trouve franchement dégueu. Ce morceau me sort par les trous de nez !


Tout n'est pas à jeter au Wall Market, par exemple The Town That Never Sleeps n'est pas franchement mauvais et représente assez bien la profusion de couleurs et d'activités de la zone. Les variations du thème en fonction de divers personnages que l'on rencontre dans cette partie du jeu sont assez sympa également. Le Battle Theme version dubstep de The Most Muscular a beaucoup d'énergie, et je pense que la mélodie entêtante du thème de base me permet de le digérer assez bien, associée au fait que le morceau est court. Il y a d'autres morceaux dont les idées sont originales, proposant des ambiances de cabaret ou de bars lounge/jazzy.
Bref, la parenthèse Wall Market/Colisée, conséquente dans le jeu, est un peu faiblarde comparée au reste, mais représente bien ce que le jeu tente de nous faire vivre à ce moment-là : pas mal d'amusement, en dépit d'un manque flagrant d'impact émotionnel, et trop d'artificialité.


La partie musicale qui s'étend du cimetière au bâtiment Shinra développe des ambiances assez particulières et inédites dans l'ensemble, avec ses hauts et ses bas. On n'est jamais dans du mauvais, mais parfois dans de l'oubliable, dirons-nous. L'ambiance un peu sombre est quand même appréciable, davantage que ce qu'on a eu précédemment au Wall Market...
Il y a des morceaux plutôt sympas, comme The Valkyrie par exemple, et dans un registre assez triste on notera les morceaux Return to the Planet et A Broken World, qui redonnent tout à coup une dimension tragique à l'histoire, comme pour nous rappeler à une triste réalité après une grande phase insouciante.


A l'approche de l'infiltration de la Shinra, les morceaux retrouvent une qualité homogène et un intérêt certain du fait de la dramaturgie qui se développe dans l'histoire et qui se ressent dans les mélodies. Le côté sombre ressort davantage dans les thèmes à mesure qu'apparaît de façon bien plus évidente la menace principale de cet épisode, avec le retour de pas mal de chœurs qui s'ajoutent aux morceaux, permettant d'insuffler de nouveau un ton épique à l'ensemble, le tout étant également entouré d'un mystère en filigrane, qui viendra se dévoiler en fin de jeu.


Avant de conclure, parlons juste un peu plus en détail de ce qui est positif, voire très positif, tout de même, car il y en a !



  • Les reprises variées du Battle Theme, souvent (pas toujours) nommé Let The Battles Begin dans cet album (thème également connu sous le nom de Those Who Fight) sont globalement très bonnes, proposant à l'envi des orchestrations et arrangements épiques qui feront rêver à des scènes dantesques sans même avoir le jeu sous les yeux. Exemple d'une belle version du thème sur cet album : Crab Warden.

  • Il en est exactement de même concernant les reprises du thème des boss, habituellement connu sous les noms Fight On / Those Who Fight Further / Still More Fighting (on a compris l'idée, en tout cas). Ici, on peut citer The Airbuster qui conserve son genre rock (qui tourne au hard rock ici, si j'ose dire, pour mon plus grand plaisir) tout en sublimant son côté épique au moyen d'orchestrations et de quelques chœurs particulièrement bien placés, qui amènent le morceau au panthéon. 7min30 de pur bonheur !

  • Aerith's Theme, morceau égal à lui-même, un des plus beaux de la franchise. Il est proposé ici à quelques reprises, sa version la plus classique mais également la plus belle étant dans Home Again, mettant en exergue toute la beauté, l'innocence et la douceur du personnage.

  • De nouveaux thèmes sont développés, tournant principalement autour de Sephiroth et des spectres qui apparaissent à divers moments de l'histoire. Ces morceaux, se mêlant parfois à des thèmes déjà connus, sont assez efficaces pour donner un ton plus sombre et sérieux à l’œuvre, versant parfois dans l'épique en fin d'album.

  • Et enfin, vu qu'on en parle, la fin d'album dresse des orchestrations qu'on pouvait attendre au tournant au vu des thèmes de combat développés plus tôt dans l'album. Tous les thèmes de Jenova et Sephiroth font honneur à leur réputation. Leur statut déjà culte, associé au fait que ces morceaux ont déjà été repris dans des versions modernes et épiques, notamment dans les albums Distant Worlds (albums de morceaux choisis et repris en orchestres issues de tous les Final Fantasy, que je recommande chaudement, ils sont au nombre de 5 actuellement), fait que l'impact de ces morceaux dans la BO ici présente est un peu moindre, comparé aux thèmes de combat et de boss qui eux, se présentent vraiment sous un nouveau jour sur cet album par rapport à leurs apparitions passées. Reste que One-Winged Angel fait toujours le même effet et est un des morceaux les plus marquants de l'aventure FFVII, dans quelque version que ce soit.


Pour synthétiser et conclure :


Je dirais que le premier tiers (à vue de nez) de cette BO est très satisfaisant, après quoi s'ensuit une grande partie un peu en dents de scie, parfois sans grand intérêt, parfois avec des reprises de thèmes connus qui éveillent de nouveau la curiosité / l'intérêt de l'auditeur. La fin, entamée un peu avant l'infiltration de la Shinra, redresse de nouveau la barre grâce à un ton de nouveau sérieux et épique, sombre par moments, achevant l'album de façon assez magistrale, d'ailleurs, et sans réelle fausse note.


Ainsi, cet album propose de très bonnes choses, d'excellentes choses même, mais que faire avec cette cent cinquantaine de morceaux qui n'offrent pour une certaine partie que peu d'intérêt ? On ne peut pas tellement les ignorer, puisqu'il font partie du lot, quand bien même ce lot dure 8h30 et qu'on peut se considérer heureux d'avoir autant de contenu !
Eh bien voilà, cette BO-ci en particulier, je la note 8 au lieu de 9, car s'il y a des pans qui méritent largement d'être acclamés, la qualité indéniable de certaines compositions se noie dans de petites vagues de morceaux, au choix : banals, grossiers ou détonnant avec l'histoire qui nous est narrée. C'est un peu dommage et rend cet album prolifique un poil trop superficiel par moments.


Reste que le ratio entre l'excellence et la banalité est plus que satisfaisant dans cette bande originale. Je dirais qu'il n'y a qu'une grosse vingtaine de morceaux à oublier sur les 156, ce qui reste finalement négligeable. J'ai beau pinailler car je suis fan, je trouve le boulot accompli sur la musique de ce jeu phénoménal.


Il y a beaucoup de titres magistraux, et si on enlève le superflu, on tient malgré tout une excellente BO que je ne vais pas me priver d'écouter régulièrement !

Yoan_Arrazat
8
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le 2 mars 2021

Critique lue 259 fois

Yoyo la Frite

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