C'est pas du jeu les gars.
Pour reprendre ce que disait Prodigy dans sa critique, c'est une musique j'aurais beaucoup de mal à apprécier si Twin Peaks n'était pas l'une des meilleures choses qui me soient arrivées. Je ne peux pas écouter les premières secondes de "Fallin" sans voir un Troglodyte de Bewick sur une branche (oui, j'ai cherché le nom du piaf sur le net) et une fumée blanche s'échapper d'une scierie. Quand résonne "Rockin back inside my heart", je vois Donna murmurer les paroles à James. La série m'a fait aimé Julee Cruise malgré moi et j'associe inévitablement sa musique aux images d'un bar aux murs de bois baigné de lumières bleues et rouges.

Mais l'album va heureusement plus loin que ça. L'ambiance de Twin Peaks y demeure palpable, grâce aux compositions de Angelo Badalamenti, mais on y trouve finalement peu de morceaux qui figurent sur la bande originale de la série. Ca permet quelques surprises, comme ce solo de saxo dans "I remember" et son changement brutal de ton vers une atmosphère inquiétante.


Le bleu et le rouge

On retrouve ce contraste tout au long de Floating into the night : celui d'un jazz anesthésié et cotonneux - parfois niais - mêlé à des sonorités plus sombres qui, pour ceux qui ont vu la série, ne manquent pas d'évoquer cette ambiance tamisée et brumeuse qui sent le tabac froid. La musique de Julee Cruise est en fait aussi manichéenne que peut l'être la série : au delà des apparences, du confort de la musique ambient douce et chaleureuse, quelque chose de dérangeant sommeille ("Into the night", ou l'interlude malsaine de "I Float Alone").
Cette sensation passe parfois par ce son de guitare qui caractérise bien le travail de Badalamenti sur la série : un coup de cordes ponctuel, ondulé et enivrant - un peu comme celui qui démarre Laughing Stock de Talk Talk. Un vrai symbole sonore de la vie nocturne de Twin Peaks.

C'est une musique qui me laisse finalement un goût étrange. On y sent une forme de relâchement, d'abandon à l'ivresse de la nuit, ses excès et ses amours éphémères. Elle nous laisse amorphe et la tête embourbée dans ses boucles lancinantes. La voix de Julee Cruise y résonne comme un écho lointain.
Cette façon de percevoir sa musique est irrémédiablement liée au visionnage de Twin Peaks, qui en guide mon appréciation, mais je ne boude pas mon plaisir à replonger dans cette atmosphère entre émerveillement, mélancolie et inquiétude. Mieux, après plusieurs écoutes, je détache Floating Into the Night des images de la série à laquelle il est lié, pour n'en garder que cet imaginaire d'une vie nocturne.
Mention spéciale à "I Float Alone" et ses airs bluesy, et "The World Spins", certainement l'apogée de la recette de Julee Cruise et Badalamenti. Une très belle fin.

(j'ai mis un intertitre, grande première.)
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le 15 oct. 2013

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le 27 oct. 2013

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