The Charles Gayle Trio – Forgiveness (2008)


Cet album est un enregistrement live enregistré au « Jazzga Club », à Łódź, en Pologne, le vingt-cinq avril deux mille sept. La durée du concert frôle les capacités physiques d’enregistrement du Cd, mais tout rentre pile poil. Côté son, on a connu mieux c’est sûr, mais ça reste très correct et très écoutable, suffisamment pour bien profiter de l’événement, ce soir-là.


Charles Gayle joue comme à l’habitude du sax alto, il est entouré du fidèle Hilliard Greene à la basse et de klaus Kugel à la batterie. Il aime ce jeu à trois, la formule du trio est souvent sa préférée, il s’y sent bien, à l’aise, prêt à endurer la durée du set bien au-delà de l’heure, même s’il est sans cesse exposé à l’avant, tout donner, avec générosité, il sait faire, c’est là sa vie, son crédo, le prix qu’il est prêt à payer, il connaît, plus que d’autres, le prix de la survie.


Sept titres au menu, cinq qu’il a signés et qu’il enquille sans broncher, avant d’interpréter « Giant Steps », l’hommage à Trane et « Forgiveness » un traditionnel. Le concert s’ouvre avec « Living Waters », un truc ancien qui va bien. Il rend grâce ensuite avec « Glory, Glory, Glory », c’est sa façon d’être et de faire, puis se lance dans le grand bain avec « Holy Birth », près de dix-sept minutes d’un jeu brûlant et dévastateur, à la façon d’Albert Ayler.


Charles Gayle n’a de cesse de rendre grâce, de prier Dieu et de se brûler aux flammes de l’enfer qu’il combat en première ligne. D’ailleurs il enchaîne avec le compromettant « Confess », on ne le changera pas, c’est son combat, depuis qu’il est enfant, élevé entre son père diacre, et son oncle prêcheur.


Après Coltrane, Pharoah et Albert Ayler, c’est bien lui le suivant, fou de Dieu et porte-flambeau de la « spiritual music », plus que quiconque il en paiera le prix. Sa foi est primitive, simple, et ne souffre pas le doute, même si elle le renvoie dans les cordes d’un certain intégrisme.


Sans doute ses plus beaux chants n’ont-ils pas été enregistrés, la souffrance nourrissait alors le prix de son intégrité, jouant avec son sax les cris les plus sincères et douloureux, ceux d’Ayler qu’il ressentait mieux que personne, allant plus loin encore et creusant un sillon qui le détacha des humains, là où se trouve le monde des esprits, avant qu’il ne revienne, plein de certitudes…


Son interprétation de « Giant Steps » est colossale, elle scrute la pièce et la dépèce à l’os, lui arrachant ses oripeaux, fantomatique et grandiose, tout comme cette version de « Forgiveness », illuminée et sans détour.


Le destin est ainsi, traçant une route depuis les stations de métro de New-York, jusqu’à Cracovie où siège le label « NotTwo Records » qui sortit cet enregistrement, d’allure rustique, mais plein de sève et de vigueur.

xeres
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le 4 sept. 2023

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