Frank Wright Trio – Frank Wright Trio (1966)
Remontons un peu le temps avec Franck Wright, jusqu’à son premier enregistrement pour ESP, le onze novembre mille neuf cent soixante-cinq. Bernard Stollman, le fondateur du label, a raconté comment il avait été ébloui lors d’un concert de John Coltrane où Frank Wright jouait en qualité d’invité, sur la scène du Village Gate. Dès la fin du concert il s’empressa de le signer, cet album est la concrétisation de cette rencontre. Un peu plus tard Franck jouera sur « Ascension ».
Assez rapidement le saxophoniste a formé son trio, avec Henry Grimes à la basse et Tom Price à la batterie. Deux musiciens de free remarquables, particulièrement Henry Grimes, qui connaîtra un destin très particulier, qui pourrait faire le scénario d’un film émouvant. Trois pièces ici, « The Earth » et « Jerry » sur la face une, et « The Moon » sur la face B.
L’album n’est pas très long, trente-quatre minutes seulement, c’est le signe de l’époque, mais il est très dense et concentre déjà ce qui fait les qualités des musiciens. Frank Wright particulièrement, qui était un ami de jeunesse d’Albert Ayler, il a d’ailleurs joué en sa compagnie, ils partagent ce don de soi qui les caractérise l’un et l’autre, tout donner quand on joue et ne rien regretter, comprenne qui pourra cette musique, et saura en voir la générosité, l’urgence dans son aspect brut.
« The Earth » est empreint de musique noire, de Rhythm & Blues, le gros son du sax s’en va même creuser dans les racines pour en extraire un thème qui accroche direct. La pièce est viscérale et, comme souvent avec Franck Wright, subit un traitement explosif. La rythmique est solide et maintient le cap et chacun ira de son solo.
Après la terre, voici la lune sur cette seconde face, c’est toujours aussi impétueux, sans compromission mais extrêmement écoutable, me semble-t-il, car cette fureur n’est que passagère finalement et ce qu’on entend ici n’est que l’expression d’une sorte de « classique » du free, le temps est passé des outrances et des indignations, ne reste que la pureté et la sincérité.